Si le prurit de la comptabilité vous démange et que l’idée vous prend un jour de compter les noirs dans les équipes de foot, les Arabes en prison, les juifs dans la presse, les Tziganes dans le métro ou les Tchétchènes sur la lune, un bon conseil : prenez un avocat, et un bon.
Mais si vous voulez vraiment assouvir votre passion comptable et que vous n’avez pas l’âme sacrificielle, alors faites comme « Libé » jeudi dernier, comptez les hommes blancs dans les cabinets ministériels. Non seulement vous ne serez inquiété par personne, et surtout pas par les associations antiracistes, mais vous obtiendrez en sus le satisfecit du porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.
L’homme blanc se compte en effet sans aucun complexe dans la France d’aujourd’hui. Il est le seul à qui on puisse envoyer sa naissance à la gueule sans rien risquer. Le seul sur l’identité duquel on puisse s’essuyer les pieds, de préférence quand ils sont encore crottés de la terre du bled. La seule exception à la lutte contre les discriminations, c’est lui. Il ne peut pas être discriminé, il est discriminant de toute éternité. « Seuls les blancs peuvent faire preuve de racisme, du fait de leur position dominante », prétend Houria Bouteldja, du parti des Indigènes de la République (PIR). Ce que dit cette passionaria du communautarisme, notamment sur la modernité, n’est pas toujours inintéressant. Il y a pourtant un détail d’ordre sémantique qui lui a totalement échappé, c’est qu’en France, l’indigène, jusqu’à preuve du contraire, c’est le blanc. Dans les tableaux de Bruegel, ce ne sont pas des Massaï qui dansent au carnaval, mais de bons gros Flamands. L’indigène dont elle parle, c’est feu l’indigène des colonies qui, ici, est un allogène. Son parti serait donc plutôt PAR que PIR. Et puis, à force de parler de « races » et de les opposer, elle va finir par nous le réveiller, l’homme blanc. Les personnes issues des minorités ethniques qui convoquent la race pour s’opposer à la majorité, ça a toujours évoqué en moi l’image d’un benêt qui s’amuserait à gratter des allumettes sur un bûcher. Quand le bordel se met à flamber, le voilà qui pleurniche.
Mais après tout, compter l’homme blanc, c’est dans l’esprit de la loi. Les statistiques ethniques ont toujours été mal vues en République, plus ou moins interdites. La République gomme les différences communautaires et ne reconnaît que le citoyen. Mais, avec les directives européennes contre les discriminations à l’encontre des minorités (discriminations directes et indirectes !), il a bien fallu se doter du moyen de prouver lesdites discriminations, c’est-à-dire se donner la possibilité de comparer la situation d’un groupe par rapport à un autre, c’est-à-dire d’user de statistiques ethniques. Depuis février 2010, elles sont donc autorisées… sous condition. La collecte de l’information doit se faire de manière anonyme sous le contrôle de la CNIL, mais surtout, les données doivent être « collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes ». Traduction : les statistiques ethniques ne sont autorisées qu’à la condition de servir une politique visant à la lutte contre les discriminations des minorités. Autrement dit : on a le droit de compter les minorités pour dire qu’il n’y en a pas assez, mais pas pour dire qu’il y en a trop !
Variante : on a le droit de compter les blancs dans les cabinets ministériels, mais pas les noirs dans la délinquance. Zemmour en
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- Publié dans le numéro : 2567
- Auteur : Julien Jauffret
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