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La vie d’une femme vaut moins que celle d’un chat

Selon que vous serez félin ou humain, les jugements français seront cléments ou non, pourrait-on écrire en parodiant La Fontaine. Violences contre un chat : un an ferme. Violences contre son épouse : sursis. Viol sur handicapée : libre ! Et les jurés sont encore moins sévères que les juges…

Au début des années 1990, le groupe Pow woW – typographie certifiée confor­me – avait connu un phéno­ménal succès avec la chanson a capella Le Chat (« Moi vouloir être chat
 / Et ne risquer de tes doigts
 / Que leurs caresses sur moi »). Début 2014, un chaton blanc et roux a connu lui aussi un grand succès avec une vidéo ayant créé le buzz – et l’indignation – sur Internet. Mais il risque de se passer un bon moment avant que Oscar (le chat), après avoir croisé la route de Farid (son tortionnaire), ait à nouveau envie de se « blottir dans les bras » de qui que ce soit.
La petite racaille amusait ses amis en lançant le chat, vivant, le plus loin possible, puis, les souffrances n’étant manifestement pas suffisantes, contre la façade d’un immeuble. Quand les ima­ges se sont mises à circuler, la majorité des internautes a trouvé ça beaucoup moins drôle que les amis de Farid. Et la mobilisation a payé puisque « Farid de la Morlette », son nom sur internet, a été identifié comme étant un pseudonyme de Farid Ghilas. Lequel a été arrêté au petit matin dans sa cité de Marseille, la Maurelette. Farid en voulait aux chats mais aussi à l’orthographe.
Dans le quotidien « Libération », un journaliste s’est inquiété : cette affaire n’allait-elle pas attiser « les tensions islamophobes en France » ? La justice a dû sentir monter le sentiment « islamophobe » des Marseillais et des amis des animaux – mobilisés devant le tribunal, avec des chiens, ce qui n’était peut-être pas le plus approprié… – et sanctionné le cruel délit chatonophobe.
Oscar, qui a survécu, et ses congénères vont être tranquilles pour un mo­ment : déjà condamné à huit reprises pour des faits de violence – ce qui ne veut pas dire qu’il était déjà allé huit fois en prison, il n’avait exercé sa violence que contre des humains… –, Farid a été jugé en comparution immédiate et placé direct en cellule, condamné à un an de prison ferme !
Farid, ni son avocat, n’ont eu le cœur de plaider qu’il était certes « tout just’ bon à écorcher les chats » mais qu’il n’avait « jamais tué d’chats, ou alors y’a longtemps, ou bien j’ai oublié, ou ils sentaient pas bon ». Surtout après le réquisitoire du procureur, Emmanuel Merlin, clamant : « Il a agi avec une perversité particulière et un sadisme marqué qui a révulsé la planète entière », et dénonçant l’ « absence de toute barrière morale » du prévenu et son « sadisme froid ».

Promis M’sieur, j’picolerai plus !
Quelques jours plus tôt, à Montbéliard, dans le Doubs, Saïd avait, lui, été relaxé. Il faut comprendre les juges. Cet Algérien de 29 ans n’avait rien fait de gravissime. Et puis sa femme, Naïma, enceinte de cinq mois, n’avait pas miaulé quand il l’avait tabassée. Elle avait juste hurlé et s’était présentée aux urgences avec le visage tuméfié. Il l’a­vait aussi frappée au ventre mais bon, elle n’avait pas porté plainte. L’amour vache, ça existe. Et puis il n’y avait pas eu de vidéo, alors on ne savait pas vraiment si Naïma ne l’avait pas un peu cherché.
Une autre fois, quand même, il y avait eu des témoins et pas n’importe lesquels : des policiers. Saïd avait alors donné un coup de pied… dans la tête de son épouse ! Mais allez savoir ce qu’elle avait dans la tête, Naïma, à ce moment-là… Et puis Saïd a dit au président du tribunal qu’il n’avait latté sa femme que « doucement » Et qu’il avait des excuses : « Mon problème, c’est que je ne supporte pas l’alcool. Quand je bois, je ne me contrôle plus. Mais je me soigne… »
Le procureur – une femme – avait sermonné Saïd (« Dans notre droit, dans notre pays, on ne peut accepter de telles pratiques basées sur la violence ») et requis huit mois de prison… avec sursis. On n’allait pas envoyer en prison un père de famille – le bébé est né depuis – et laisser la maman seule, démunie… Le tribunal a suivi et a tout de même interdit à Saïd de fréquenter les bistrots. Il lui suffira de bien se brosser les dents avant d’aller jurer au gentil animateur en char­ge de son suivi qu’il ne carbure plus qu’au thé à la menthe.

Bien sûr que la victime était « consentante »
Janvier 2014 encore mais cette fois à Nice. On juge Mohamed Beji, « Français de 29 ans d’origine tunisienne », de­vant la cour d’assises des Alpes-Maritimes.
En septembre 2010 à Antibes, Valérie descend du bus. Mohamed aussi. Valérie a trente ans mais elle est déficiente mentale ; son âge mental est de six ans. Il l’entraîne avec lui comme on appâterait une gamine avec des bonbons. Il l’emmène ans un immeuble ; il la viole. Trois ans plus tôt déjà, une jeune fille de 17 ans, trisomique elle aussi, avait porté plainte contre lui pour viol mais l’affaire avait été classée.
Dans le box des accusés, Mohamed reconnaît les faits ou plutôt l’acte sexuel.
Mais pas de méprise : Valérie était « consentante » !
Même ses avocats n’y croient pas. Eux plaident sur la base de l’article 122-1 du Code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. »
Mohamed est dingue donc pas responsable. Il souffrirait d’une « psychose blanche ». Ou alors de schizophrénie.
L’avocate générale ne sait pas bien non plus. Alors elle coupe la poire en deux.
Il faut le lire pour le croire. Elle explique qu’il « n’avait que partiellement conscience de la vulnérabilité de sa victime et de son absence de consentement ». Elle réclame cinq ans ferme. Les jurés se retirent. Ils reviennent rendre leur verdict au bout de deux heures : cinq ans… dont quatre et demi avec sursis ! Mohamed a déjà fait sept mois de préventive. Il est libre. Ses avocats ont salué une décision « juste et cohérente ».
Début février, quatre adolescents ont été filmés en train de martyriser un handicapé mental âgé de 18 ans, le plon­geant dans un bassin au risque qu’il s’y noie. C’était follement drôle. Les tortionnaires, des adolescents, ont été identifiés et présentés à un juge pour enfant. Il ne devrait pas leur arriver grand-chose. Le procureur s’est fait leur avocat : « Ils ont agi par jeu, l’idée était de mettre la victime dans l’eau. Le but recherché était de s’amuser. »
Mesdames et Messieurs les handicapés, s’il vous plaît, si on vous fait du mal, miaulez. Mesdames, si votre ma­ri vous bat, miaulez aussi. Miaulez pendant l’agression et miaulez devant le tribunal. Là, on vous prendra au sérieux.  

Antoine Vouillazère


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