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Il fut un temps où elle trônait dans le salon familial, imposante et mystérieuse. Puis elle s’est mi­se à rapetisser. De meuble à part entière, souvent en bois précieux, elle s’est retrouvée simple ustensile posé sur un buffet ou une table. Enfin, de plus en plus réduite, elle devint nomade et se re­trouva dans les endroits les plus incongrus, de la pla­ge à la salle de bains ou au lit.
La radio n’est pas le journal, ni la télévision. Il est difficile de faire autre chose quand on lit son journal ou quand on regarde le petit écran. La ra­dio, elle, n’impose aucune exclusive et on peut va­quer à d’autres activités sans cesser pour autant de l’écouter ou même de l’entendre. Ses possibilités sont illimitées. Elle pourra au choix ne fournir qu’un vague fond musical ou faire l’objet d’une attention soutenue.
Nous avons tous une histoire avec la radio, ou avec un poste de radio. Certains se souviennent des antiques appareils de nos grands-parents avec leurs drôles d’ampoules intérieures, leurs noms et leurs chif­fres ésotériques. Peut-être vous êtes-vous longtemps demandé par exemple ce que pouvait bien être ce mystérieux « Sottens » inscrit sur les cadrans de jadis. Il aura peut-être fallu des années avant de dé­couvrir qu’il s’agissait d’une station suisse, au­jourd’hui hors service ? D’autres, ceux qui ont con­nu les années 1960, se souviennent avec émotion des premiers transistors, infiniment plus légers que les anciens postes... et qui, surtout, permettaient de découvrir des musiques toujours plus insupportables aux oreilles de leurs parents ! A chaque poste de radio sa nostalgie, sa madeleine de Proust.
Associée à nos histoires personnelles, la radio l’est aussi à la grande histoire. Une dizaine d’années après les premiers postes domestiques et les premières émissions publiques, le chef de la propagande du IIIe Reich, Joseph Gœbbels – s’inspirant, d’ailleurs, des réalisations soviétiques – lançait le « Wolksempfänger » (littéralement, « récepteur du peu­ple ») afin de faire pénétrer le nazisme dans chaque foyer allemand. Plus tard, la Seconde Guerre mondiale fut aussi une guerre des ondes. Faut-il rappeler ici le rôle de Radio Londres ?
Pendant toutes ces premières années, on écoute la radio ensemble, en famille le plus souvent. Le pos­te est encore au centre d’une véritable liturgie communautaire, jusqu’à l’arrivée progressive dans les ménages de deux innovations technologiques : le transistor et la télévision. Cette dernière va peu à peu prendre la place du poste de radio dans le salon familial, tandis que le transistor ne connaît plus que des auditeurs individuels.
Ce fut une véritable révolution, à la fois profon­de et calme. Les animateurs et les journalistes y participèrent. Le perfectionnement des matériels ai­dant, la voix radiophonique se fit moins haut perchée, moins emphatique. Il s’agissait maintenant d’une voix plus grave, mais aussi plus intime. Le nouveau « speaker » ne cherche plus à démontrer, il veut suggérer et, finalement, imposer.
On a pensé alors, dans ces années-là, que la radio allait sinon mourir, du moins passer au se­cond plan. Il n’en fût rien et l’auditeur resta fidèle à ses vieux rendez-vous radiophoniques – comme l’immarcescible « Jeu des mille francs » (devenu « des mille euros »), la plus ancienne émission de radio tou­jours diffusée en France. Mieux, une seconde ré­volution lui donna un nouveau souffle avec, sous Mitterrand, l’explosion des radios dites « libres ». Cet­te fois, le poste de radio ne nous proposait plus seu­lement cinq ou six stations françaises, mais une multitude de stations associatives, militantes ou sim­plement musicales. Il était si facile, avec un ma­tériel somme toute minimal et quelques disques, d’improviser un studio et de délirer joyeusement à l’antenne ! Mais la logique commerciale reprit le des­sus et le vent de liberté qui soufflait sur la bande FM fut ramené à des proportions plus raisonnables, pour ne pas dire étriquées. Aujourd’hui, ne subsistent qu’une poignée de radios associatives. L’homme de droite a la sienne, avec Radio Courtoisie.
Finalement, la radio est encore bien vivante, mê­me si le poste lui-même s’efface un peu devant les nouvelles technologies de transmission du son. La TSF a fait place au numérique et à Internet, le support a changé, mais le principe reste le même. La radio fait toujours de la résistance.  
Jean-Michel Diard


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  • Publié dans le numéro : 2582
  • Auteur : Jean-Michel Diard

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