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La fin d'un monde

Il fallait voir la tronche des crétins faisant la queue les matins de la semaine dernière, dès l’aube, devant le buraliste de mon quartier pour acheter leur exemplaire de « Charlie Hebdo » : visages fermés, graves, solennels, ils se prenaient pour des poilus jaillissant de la tranchée. On vit une époque étonnante : d’un numéro à l’autre, l’hebdomadaire satirique est passé de 8 000 exemplaires à 7 millions. Inutile d’essayer de représenter cette inflation par une courbe, il faudrait une feuille de la taille de la tour Eiffel. Si je devais donner dans la théorie du complot, ce n’est pas l’Amérique ou le Mossad que je suspecterais mais Charb lui-même. Quelques semaines avant l’attentat, il faisait la manche auprès de ses lecteurs. En quinze jours de dons, d’abonnements et de ventes (sans aucune commission perçue par le distributeur et les kiosquiers), les caisses sont remplies pour vingt ans. C’est le meilleur business plan de l’histoire du capitalisme. Un peu plus et l’achat du torchon était obligatoire.
L’époque étant ce qu’elle est, il faut se méfier des grandes déclarations d’intention. Quand un homme politique évoque le « vivre-ensemble », c’est qu’on est au bord de la guerre civile ; quand il parle d’écologie, c’est qu’il a l’intention de construire une nouvelle autoroute ; quand il brandit la liberté, c’est qu’il s’apprête à l’enterrer. « On peut tout dessiner en France », a déclaré Taubira. Ayant l’honneur et la joie d’écrire dans « Minute » (trois mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende requis contre notre bien-aimé chef pour sa une sur la même Taubira), on me permettra de ne pas m’associer à cette sinistre comédie.
La liberté que l’on brandit depuis les attentats est une liberté à sens unique. C’est la liberté de ceux qui veulent pouvoir exprimer leurs opinions, et uniquement les leurs. C’est la liberté strictement réservée à l’idéologie dominante, celle que vantent les dictateurs du monde entier. En ce sens, c’est bien la liberté selon « Charlie Hebdo », journal qui a longtemps réclamé l’interdiction du Front national et des opinions qui lui étaient contraires. Au-delà de la faute politique inouïe, l’embastillement de Dieudonné au lendemain de la manifestation pour la liberté est un symbole ô combien parlant.
Cette idéologie autorisée est celle qui a permis les attentats ; elle est pourtant brandie de plus belle par la plupart des journalistes et des politiques dans une fuite en avant délirante. Ceux qui ont laissé s’installer des millions d’immigrés, dont certains se retournent à présent contre nous, se permettent de faire la leçon à ceux qui mettaient précisément en garde contre ce danger. Plus abject que jamais, Edwy Plenel a même osé rendre Eric Zemmour directement responsable de la tuerie ! Une chose est aujourd’hui certaine : une grande partie de notre élite préfèrera mourir que de changer son logiciel. Certes, ils ont d’ores et déjà perdu et la France se passera d’eux. Mais leur capacité de nuisance demeure énorme et fera perdre un temps précieux dans la voie de la reconstruction.
Aussi violent qu’ait pu être l’attentat de « Charlie Hebdo », il n’en est pas moins d’une intelligence et d’une logique glaciales au regard de l‘Histoire. Il met le point final à une époque marquée par l’utopie soixante-huitarde, celle précisément de l’hebdomadaire attaqué qui chérissait les caus­es dont sont sorties les conséquences fatales.
Cette époque a cru pouvoir se « libérer » de tout, nier tout héritage et toute appartenance, se moquer de toute transcendance. Ses seuls mots d’ordre : ricaner, mépriser, jouir. Dans une inversion inouïe, le bas est devenu le haut, le sale a remplacé le propre, la bêtise a pris la place de l’intelligence, le tout avec la collaboration d’une élite complaisante (gauche) ou terrorisée (droite). Pour en finir avec la France d’avant, la France des « beaufs » que Cabu n’a cessé de poursuivre de sa haine, ils ont appelé de leurs vœux et soutenu l’immigration massive, persuadés que tout se passerait bien sur l’air d’« embrassons-nous Folleville ».
Mais derrière la déconnade, c’est bien un projet politique qui s’élaborait. Un projet d’opposition au temps d’« Hara-Kiri », qui au fil des années a rencontré l’assentiment des politiques et d’une partie de la so­ciété, jusqu’à l’apothéose « Je suis Charlie », qui marque aussi sa fin brutale. Cela faisait un petit bout de temps que les dessinateurs soi-disant anars « bouffaient tous avec le pouvoir », comme dit Siné. Cette idéologie était moribonde, elle a rendu son dernier souffle le 7 janvier, l’existence artificielle de « Charlie » ne relevant désormais plus que du folklore anachronique.
Une nouvelle page de l’Histoire de France s’ouvre, probablement celle du sursaut dont ce vieux pays étonnant a su faire preuve à de si nombreuses re­prises.   


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