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10,6 millions de Français qui ne veulent pas mourir

33,90 % des suffrages, ça paraît peu. En voix, c’est énorme : 10,6 millions. Il y a encore eu, en France, dimanche, 10,6 millions de Français qui ont clamé, malgré ce qu’elle leur avait fait, qu’ils ne voulaient pas mourir. Qu’ils ne voulaient pas être dilués. Qui ont dit, tout simplement : « On est chez nous ! »

33,90 % des exprimés. 22,30 % des inscrits, 10,6 millions de voix soit 3 millions de plus qu’au premier tour. Voilà, statistiquement, abruptement, le bilan de Marine Le Pen après un an d’une campagne qui devait l’amener à l’Elysée. Pour nombre de militants dé­faits et parfois même en pleurs diman­che soir dans leurs permanences électorales, c’est, ou du moins c’était à cette heure-là, un échec. Terrible. Irrémédiable. Car 2022, c’est loin, et d’ici à cette date plusieurs millions supplémentaires de néo-Français pourront voter.
Pour leur présidente pourtant, qui, au même moment, dansait devant les caméras avec Jean-Lin Lacapelle, se­crétaire aux fédérations, l’échec semblait un épiphénomène.
Alors quoi ? Faut-il penser que la défaite est une victoire et que le réel est muet, ce qui expliquerait que nous devions rester sourds ?
Et pourtant, 34 %, c’est finalement inespéré et on peut même dire que ces 10,6 millions d’électeurs ont eu bien du mérite de voter pour la présidente – au fait, ex ? – du Front national après ce qu’elle a subi… et après ce qu’elle leur a fait endurer.

10,6 millions, et maintenant ?
Car 34 %, malgré un parti sans ca­dres en nombre suffisant – euphémis­me –, un parti où la « professionnalisation » – rires enregistrés – est un élément de langage avant d’être une réalité, c’est un score assez incroyable.
34 % quand on ne parle pas à la droite, quand on ne sait pas parler à la droite et quand on traîne le boulet de l’euro, cela en dit long sur les réserves de voix dont on s’est privé au nom d’une ligne politique dont on dira seulement – par indulgence – qu’elle était inadaptée pour un second tour.
34 % après un débat raté, un débat qui a offert à la France incrédule l’ima­ge d’une Marine Le Pen s’essayant vulgairement à l’exercice tribunicien quand les Français attendaient un président, ce n’est pas si mal.
Ce soir là, 7 à 8 % de voix – quelque chose de l’ordre de deux millions de voix ! – se sont évaporés dans l’absten­tion ou le vote blanc, quand ils ne se sont pas reportés sur son concurrent. Les sondages l’ont souligné, et, contrairement à l’utopie militante, les sonda­ges, eux, ne mentent pas.
Des 41 ou 42 % qui lui étaient promis, voire plus, elle a chuté à 34. Les sondages se trompent parfois mais reconnaissons que, depuis début avril, ils ont tout vu venir, flattant même souvent le FN de quel­ques décimales qui, à l’arrivée, n’existaient pas.
Un bloc de près de 11 millions de voix, c’est énor­me. Près de 11 millions pour l’identité. Pour la tradition. Pour la civilisation. Près de 11 millions de Français qui ne veulent pas mourir, ce n’est pas rien. Cela pèse même davantage que les 21 millions de bulletins pour Emmanuel Macron dont la majorité ont voté contre Marine Le Pen ou les 16 millions qui n’ont choisi aucun candidat. Encore faudrait-il faire quelque chose de ces 11 millions. Mais quoi ?

Une stratégie dans l’impasse
Quelques instants à peine après 20 heu­res, la présidente du Front national a annoncé du « changement » en ces ter­mes : « Le Front national, qui s’est engagé dans une stratégie d’alliances, doit lui aussi profondément se renouveler, afin d’être à la hauteur de cette opportunité historique et des attentes des Français. Je proposerai donc d’engager une transformation profonde de notre mouvement afin de constituer une nouvelle force politique que de nombreux Français appellent de leurs vœux. »
Médiatiquement, c’est habile. Cela permet de refermer – provisoirement – en une phrase le livre de la présidentielle et de laisser espérer aux législatives la cons­titution d’un groupe parlementaire. Mais s’il ne s’agit que d’un changement de nom et non de stratégie, alors échec et désillusion seront encore au bout de la route.
Dans l’immédiat – les élections législatives –, ce serait une erreur d’imaginer que les 10,6 millions d’électeurs du se­cond tour de la présidentielle ou même les 7,6 millions du premier vont voter comme un seul homme pour les candidats FN. En 2012, Marine Le Pen avait obtenu 6,4 millions de voix à la présidentielle, les candidats FN aux législatives 3,5 millions. Soit 54,5 % des voix de la présidentielle seulement. 2,8 millions de voix avaient été démobilisées ou étaient parties sur des députés de droite – ou de gauche – mieux placés pour l’emporter ou tout simplement implantés face à des candidats FN con­nus à peine de leur facteur.
Il serait audacieux d’imaginer que cette fois encore le FN conserve seulement 54,5 % de ses électeurs de la présidentielle. Le contexte national est très différent, bien plus troublé, et ses rivaux se sont effondrés tandis que le parti du nouveau président reste encore à cette heure une nébuleuse. Bref, on ne peut rien prévoir.
Reste les faits : le FN ne sort pas en position de force en terme d’image de ce deuxième tour. Il a échoué à atteindre la barre symbolique des 40 %, sa présidente a échoué à se créer une stature de présidentiable, sa stratégie ne peut plus rien prendre à gauche et ne peut rien gagner à droite. Le FN est dans l’impasse où il s’est enfermé tout seul, un peu comme ces joueurs compulsifs qui n’abandonnent pas leur martingale. Il n’a pour lui qu’une chose : la marche tragique des événements. C’est beaucoup, mais ce ne sera jamais suffisant. Macron voulait penser « printemps ». Marine Le Pen devrait, elle, songer « histoire » et « longue mémoire ». Faute de quoi, tôt ou tard, d’autres penseront à sa place et finiront par la prendre. 
Philippe Martin

(1) 23,1% en métropole.

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