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L’exactitude intellectuelle d’Alain Finkielkraut

Lire Alain Finkielkraut est toujours un enrichissement. Cette fois, avec La Seule Exactitude, il livre un recueil d’articles. Autant dire que nous sommes dans un genre mineur. Mais les articles ont été soigneusement sélectionnés et chacun nous offre, sur des sujets toujours différents, comme une trouée de lumière.

L’exactitude de Finkielkraut est faite des multiples détails de l’actualité quotidienne mais ce qui en fait la valeur, c’est que le détail choisi est révélateur du temps où l’on vit et des personnages qui font l’actualité. Pour que ce détail devienne décisif, il faut d’abord accepter de le regarder comme il est en lui-même et non tel que nos grilles de lecture, nos préjugés et nos conformismes nous pousseraient à le comprendre. L’effort de Finkielkraut est avant tout un effort de décryptage : « Il nous incombe de déchirer sans délai les portraits-robots qui nous obnubilent et de regarder en face le visage que nous n’attendions pas. »
On se demande parfois pourquoi on assiste à une telle droitisation de l’univers culturel, pourquoi il n’y a que les livres de droite qui se vendent et pourquoi même les livres de gauche qui marchent (Michel Onfray) parlent aujourd’hui à la droite. C’est simple : seule la droite (une petite partie de la droite) a su s’extraire du politiquement correct pour regarder les choses non pas comme le prêt à penser nous les offre mais telles qu’elles sont en réalité. La force de cet ouvrage est dans cet effort de réalisme alors que ce qui se met en place, en particulier depuis les 7 et le 11 janvier 2015, c’est une nouvelle culture, tournant autour de trois questions fondamentales, que la culture de gauche avait passé par pertes et profits : l’identité, l’intimité (ou la liberté individuelle) et la religion.
Exemple : la chronique intitulée « Voyage en France », recueillant le témoignage de Claude Levasseur, « un retraité actif qui s’occupe d’Emmaüs ». Claude ressent un malaise, le malaise français aujourd’hui : « Je vais souvent au Maroc et j’ai l’impression que ce ne sont pas les mêmes. Là-bas, on ressent une chaleur à votre contact, on est chez eux. Ici, dans un quartier d’origine musulmane, on n’est plus chez soi. Une espèce de méfiance s’est créée. Il y a simplement les regards quand vous passez. » Commentaire d’Alain Finkielkraut : « Claude n’a pas peur de l’Autre, mais il accepte mal de devenir l’autre à Tourcoing. » Une ligne suffit. Tout est dit, le malaise est circonscrit. Mieux : il est verbalisé. À partir du moment où l’on peut en parler clairement, sans pour autant subir les foudres de la pensée unique, on a déjà fait la moitié du chemin.
Sur Mandela, sur Leonarda, sur Benoît XVI ou sur Vincent Peillon, il faut relire Finkielkraut. Il a toujours un mot à nous dire pour éclairer notre quotidien d’une lumière qui ne brille pas partout. Mais surtout, ne manquez pas la conclusion de ce livre sur « le dreyfusisme intempestif » de Charles Péguy. L’auteur trouve dans Péguy toutes les raisons du caractère intempestif de sa propre position.
Défendant une politique de l’honneur, Péguy s’est vigoureusement opposé aux antidreyfusards (dont Barrès représente le type, un Barrès incomplet et diabolisé parce qu’il est lu dans Zeev Sternell, l’historien israélien du nationalisme français). Péguy a été dreyfusard au nom de l’honneur et de la défense de l’innocent. Il a été opposé au Parti dreyfusard (ce que l’on appelait à l’époque le Parti dreyfusard) au nom de la France et de ce que Finkielkraut, dans les dernières lignes de son ouvrage, n’hésite pas à appeler l’honneur de la race : « Le racisme nazi a emporté dans son apocalypse l’honneur de la race, c’est-à-dire l’obligation envers les morts. » C’est, au contraire, au nom de l’honneur de sa race, que Péguy refuse l’antisémitisme.
Le message de Finkielkraut, sur quelques lignes, fait droit avec exactitude à la complexité de la question. Il nous montre que le Parti des intellectuels, devenu entre-temps le parti du politiquement correct, n’a pas beaucoup changé depuis le début du xxe siècle et que pas d’avantage aujourd’hui qu’hier, on ne peut être dreyfusiste à la manière dont il l’a été.
Joël Prieur

Alain Finkielkraut, La Seule Exactitude, éd. Stock, 298 pp., 19,50 euros.

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