MINUTE

En vente cette semaine

cliquez sur l'image

Minute 2959
A+ A A-

François Fillon a Jouyet avec le feu

Comme l’écrit « Le Monde » : « La route de l’Elysée s’assombrit brusquement pour François Fillon. » Tout ça pour un déjeuner en ville… L’ancien premier ministre ne pouvait-il pas, tout simplement, passer un coup de fil à son ancien ministre et secrétaire général de l’Elysée ? Ou envoyer une lettre anonyme ?

Jamais l’« UMPS », cette collusion des deux grands partis qui se partagent le pouvoir, n’avait aussi bien porté son nom. Résumons : François Fillon est accusé d’avoir demandé à son ancien ministre, Jean-Pierre Jouyet, plus proche collaborateur et ami intime de François Hollande depuis l’ENA, de bien vouloir accélérer les poursuites contre Nicolas Sarkozy, qui l’avait débauché en 2008 durant sa phase d’« ouverture ». Comme disait Jouyet dans un remarquable portrait signé Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemini : « C’est simple : j’ai un mentor politique, Nicolas Sarkozy, et j’ai un meilleur ami, François Hollande. » Et un bon copain, que je reçois souvent à ma table : François Fillon. Forcément, dans une configuration comme celle-ci, on finit par ne plus savoir ce qu’on doit dire à l’un et ne pas dire à l’autre…
L’ancien premier ministre ne nie pas avoir déjeuné, le 24 juin dernier, avec Jean-Pierre Jouyet. Il ne nie pas non plus le lieu : c’était à proximité de l’Elysée. On ne demandera pas qui a payé la note : cela pourrait bien être nous.
Comme dit Hollande : « Ça ne coûte rien, c’est l’Etat qui paye. » Ils étaient même trois à table, le troisième larron étant Antoine Gosset-Grainville, ancien directeur-adjoint du cabinet de François Fillon à Matignon et ami de Jouyet. « Un homme charmant, intelligent et qui jouit d’une très bonne réputation, à gauche comme à droite », assure Jérôme Chartier, porte-flingue de Fillon. On s’en serait douté.
A partir de là, les versions divergent. Selon Jouyet, c’est Fillon qui avait sollicité cette bonne bouffe (enfin, on es­père qu’elle était bonne). Selon Fillon et Gosset-Grainville, c’est Jouyet qui était demandeur. Ils ne se sont pas étendus sur le menu. Et sur la conversation, ils ne sont d’accord sur rien.

« Quelqu’un qui a gaffé toute sa vie »
Dans le cadre de l’écriture d’un livre, Sarko s’est tuer (Stock), deux journalistes du « Monde », Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ont rencontré Jean-Pierre Jouyet. C’est là que Jouyet marque un point et apparaît sympathiquement naïf : il a accepté d’être enregistré. Pas sérieux ça… Quand on balance, on le fait en off et sans laisser de preuve.
Les deux journalistes ont raconté : « Jean-Pierre Jouyet n’est pas un politique comme les autres, c’est un haut fonctionnaire, c’est quelqu’un qui a gaffé toute sa vie dès qu’il a pris la parole publiquement. Il dit des choses qu’il ne devrait pas dire. » Exact : en 2012, il avait annoncé la nomination de Jean-Marc Ayrault à Matignon avant l’Elysée ! « Il est très mal à l’aise avec l’univers médiatique. Quand vous avez accès à lui en tant que journaliste, c’est en général bingo à chaque fois ! »
La pêche a été excellente. Jouyet leur a raconté ce que Fillon lui avait dit. Sans se rendre compte qu’il leur livrait une bombe. On a beau côtoyer les grands de ce monde, on est politique ou on ne l’est pas. Et Jouyet ne l’est pas.
Selon Jouyet, François Fillon lui a donc demandé d’accélérer les enquêtes visant Nicolas Sarkozy : « Jean-Pierre, tu as bien conscience que si vous ne tapez pas vite, vous allez le laisser revenir ! Alors agissez ! » Il lui a même dit d’orienter l’enquête vers le paiement, par l’UMP, des pénalités infligées au candidat Sarkozy pour le dépassement de ses frais de campagne : « Fillon m’a dit, texto : “Jean-Pierre, c’est de l’abus de bien social. C’est une faute personnelle. Il n’y avait rien à demander à l’UMP, de payer tout ça.“ » Aller demander à l’Elysée de planter judiciairement Sarkozy, c’est vrai que ça manque de fair play…

« Une insulte à mon intelligence »
« Stop aux boules puantes !, s’est indigné l’ancien premier ministre. On me prête des propos que je démens formellement. » « Qui peut imaginer cette scène ? », a-t-il enchéri, évoquant pêle-mêle une « tentative de déstabilisation », un « complot », une « affaire d’Etat », le « mensonge », une « fable ». « C’est une insulte à mon intelligence de m’accuser de l’avoir fait. »
Mais voilà : Jouyet, après avoir nié avoir tenu les propos rapportés par les journalistes du « Monde » – « Nous avons parlé d’autre chose », « Il ne m’a, bien entendu, pas demandé une quelconque intervention, démarche par ailleurs inimaginable » –, est revenu sur ses déclarations. Finalement, oui, ils avaient bien parlé de Bygmalion ; et du règlement des frais par l’UMP ; et de la possibilité d’activer la justice ; et s’il se souvient bien, il a bien raconté tout ça aux journalistes du « Monde ».
Dans son dernier communiqué, ma­nifestement relu et amendé par François Hollande, Jouyet précise : « J’ai également rappelé que, depuis mai 2012, il n’y a plus aucune intervention de la présidence de la République dans une procédure judiciaire » [c’est là que le lecteur doit éclater de rire].
Et maintenant ? Jouyet, qui a menti, est sommé de démissionner par une partie de l’opposition et par certains de ses amis politiques. Figurez-vous que ça ne se fait pas de mentir, quand on est secrétaire général de l’Elysée. François Fillon, qui s’est enfermé dans la dé­négation, est contraint de poursuivre dans cette voie et engage des poursuites judiciaires (il ne semble pas que Nicolas Sarkozy ait demandé à l’Elysée de les accélérer…). Et Nicolas Sarkozy affûte le croc de boucher auquel il s’est résolu à ne pas pendre Villepin pour en finir une fois pour toutes avec « ce con­nard » de Fillon, avant de s’atteler au cas Juppé.
Pendant ce temps-là, Marine Le Pen observe. Elle doit se demander si elle ne pourrait pas prendre un long congé pour ne revenir qu’en 2017, à l’heure du dépouillement du premier tour de la présidentielle… Au rythme du grotesque actuel, il pourrait même ne pas y avoir de deuxième tour.    
Marc Bertric


1. « Les Jouyet, un couple au pouvoir », in « Le Monde » du 8 octobre 2014.

AVIS IMPORTANT A NOS FIDELES LECTEURS QUI ACHETAIENT EN KIOSQUES

Pour préserver la pérennité de votre journal nous avons pris la décision de nous retirer des kiosques et magasins de presse depuis le numéro 2931 du 17 juillet 2019. Nous comprenons bien, dans un monde idéal, la liberté de l’acheteur au numéro, mais cette décision, ici et maintenant, est essentielle pour la survie du titre. Il faut VOUS ABONNER.

Par le site ou chèque à l'ordre de ASM. A envoyer à : SCI BP 20017 - 49260 MONTREUIL-BELLAY PDC 1

Vous pouvez également vous abonner par PRELEVEMENT MENSUEL pour 13 euros.
Pour cela il convient de nous envoyer votre RIB ainsi que vos coordonnées postales par mail ou par courrier.

 

Les derniers numéros

Minute 2959
Minute 2958
Minute 2957
Minute 2956
Minute 2955

Complotisme : la raison domestiquée

Recevoir les infos et promos

tous-les-numeros

pub1

Suivez-nous

© 2012-2017 - ASM - Tous droits réservés

Connexion ou Enregistrement

Identification