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L'étrange choix de Luc Chatel

Luc Chatel, député libéral de la Haute-Marne, est le nouveau secrétaire général de l’UMP. Une erreur de casting ? Il ne suffit pas d’avoir été élevé chez les jésuites pour finir pape…

Le triumvirat composé d’A­lain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon, placé depuis le 15 juin à la tête de l’UMP, n’a pas tergiversé quand il s’est agi de nommer un nouveau secrétaire général pour succéder au député-maire du Cannet, Michèle Tabarot. Les anciens premiers ministres avaient besoin d’un homme qui ne fasse d’ombre à personne : ils ont désigné Luc Chatel. The right man at the right place… Les équilibres in­ternes sont aussi préservés : il est compatible avec Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy. L’unité de façade au sein de l’UMP est (provisoirement) sauvée.
L’heureux promu, Luc Chatel, 49 ans, est issu de la bourgeoisie de l’Ouest parisien. Il est le fils du con­tre-amiral Robert Chatel.
Tout en débutant une carrière dans l’industrie cosmétique, il s’engage, sur les conseils de Gérard Longuet, au Parti républicain puis à Démocratie li­bérale.
Conseiller régional de Champagne-Ardenne, il parvient en 2002 à se faire élire député de la Haute-Marne, département d’origine de sa famille. En 2007, après l’élection de Nicolas Sarkozy, il est nommé secrétaire d’Etat chargé de la Consommation et du Tourisme. En 2008, il devient porte-parole du gouvernement et, en 2009, ministre de l’Education nationale. Une as­cension rapide, voulue par Nicolas Sarkozy qui appréciait les accents libéraux de ce proche d’Hervé Novelli.

Page blanche sur le tableau noir
Un drame survient le dimanche 22 janvier 2012, une tragédie même, qui aurait probablement stoppé sa carrière dans tout autre pays : sa fem­me, Astrid Herrenschmidt, mère de leurs quatre enfants, se suicide par pendaison à leur domicile de Boulogne-Billancourt. Les Français ayant la mé­moi­re courte, personne ne s’en souvient plus. Et puis il y a le sacro-saint respect de la vie privée qui fait que les rumeurs se sont vite arrêtées. Drame personnel, voilà tout.
Dans la foulée, Nicolas Sarkozy battu lors de l’élection présidentielle, il perd son poste de ministre. Ça n’aura chagriné que lui. Au ministère de l’Education nationale, hormis l’introduction de la théorie du genre (voir page 9), Chatel s’est contenté, comme Xavier Darcos qui l’avait précédé, de cogérer avec les syndicats en­seignants, se contentant d’ajouter une once de marketing à ses semblants de réforme. Page blanche au tableau noir en quelque sorte… La « rupture » ne passe jamais par lui, la réforme non plus, malgré le nom de son club de ré­flexion : Réforme et liberté.
Vice-président de l’UMP, redevenu simple député d’opposition, il prend alors son bâton de pèlerin et sillonne la France au volant de sa voiture pour animer des réunions souvent miteuses, dans des cafés de pro­vince. Les militants UMP sont peu motivés pour sortir de chez eux le soir, surtout pour aller écouter la langue de bois de Luc Chatel acquise chez les jésuites de Saint-Louis-de-Gonzague… Pour l’élection de novembre 2012, réfractaire aux accents gaullistes de François Fillon, il soutient Jean-François Copé dont il fait partie de la garde rapprochée.

Changement d’aiguillage en deux semaines
A son actif, on pourrait souligner un dévouement certain de Luc Chatel à son parti. A son détriment, on relè­ve son appartenance d’origine à la bourgeoisie d’affaire des beaux quartiers, donnant de lui une image dont on sait ce qu’elle a coûté à Nicolas Sarkozy. Maire de Chaumont de 2008 à 2013, il ne s’est jamais senti à l’aise dans la vie municipale provinciale.
C’est un Parisien qui a profité d’at­taches personnelles dans une circonscription ancrée à droite pour se tailler un fief législatif à bon compte. Des trois co-présidents provisoires, celui dont il est idéologiquement et historiquement le plus proche est Jean-Pierre Raffarin. Encore qu’il ne partage pas les accointances chiraquiennes de ce dernier. C’est dire si on ne sait absolument pas ce qu’il pense…
Pour se redresser, l’UMP a besoin d’un secrétaire général capable de remplir trois missions : fixer une ligne politique, y voir clair dans les comp­tes et maintenir une unité dépassant la seule solidarité d’élus embarqués dans le même bateau. Ne pouvait-on pas trouver mieux que le pâle Chatel pour cela ? Du côté de la rue de Vaugirard, siège du parti, on se pose déjà la question. « Tout au plus pourra-t-il nous indiquer où nous en sommes financièrement », lâche un cadre un peu dépité. « Pour une réponse musclée au Front national, on peut toujours attendre », poursuit-il.
Face au Parti socialiste, sa première prise de position suite à sa prise de fonctions a été étonnante : le 16 juin, il a soutenu les cheminots de la CGT contre le projet du gouvernement sur l’avenir des chemins de fer ! Or treize jours plus tôt, le 3 juin, saisissant le scandale de la taille des quais inadaptée aux nouveaux TER, le même Luc Chatel affirmait au con­traire que « ce dysfonctionnement démontre l’urgence du projet de ré­forme ferroviaire qui va bientôt être examiné » ! Des propos tenus à l’Assemblée nationale, lors des questions au gouvernement, et consignés au « Journal officiel ».
Avec un triumvirat d’anciens premiers ministres sexagénaires, l’UMP s’offrait un visage vieillissant. Avec un secrétaire général provisoire com­me Luc Chatel, on se demande si une telle nomination n’est pas un signe avant-coureur d’une évolution bien pire : le naufrage de « quadras » mal dans leur peau d’hommes et de fem­mes de droite. On citera dans le désordre Nathalie Kosciusko-Morizet, François Baroin, Bruno Le Maire…
En politique, une défaite fait vite vieillir, et on n’a pas encore mesuré toute l’ampleur des conséquences pour la droite de la défaite de Nicolas Sarkozy en 2 012.  
Jacques Cognerais

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