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SNCF, une grève politique et illégale

Plus personne ne sait pourquoi une partie des cheminots est en grève. Eux-mêmes le savent-ils vraiment ? La CGT Cheminots et Sud-Rail ont entrainé leurs syndiqués dans un mouvement qui n’est même pas autorisé par la loi française !

Contrairement à une idée répandue, surtout à droi­te, il n’y a pas qu’en Fran­ce que les grévistes sè­ment la pagaille, y com­pris en période de crise. L’Italie est le modèle du genre, la Belgique s’y connaît fort bien et l’Allemagne n’est pas à l’abri : en mars dernier, une grève dans les servi­ces publics a paralysé le pays. Les aéroports ayant été touchés, les conséquen­ces ont même été ressenties dans toute l’Europe, des centaines de vols ayant dû être annulés.
Mais outre-Rhin, le droit de grève est strictement encadré, bien plus qu’en France, et la loi est généralement… respectée. La grève y est limitée dans le temps et dans l’espace : sa durée ne peut excéder un cadre légal – il n’y a donc pas besoin de « savoir arrêter une grève » –, elle ne peut intervenir que durant les négociations salariales et seulement dans les entreprises concernées par celles-ci – ce qui élimine les grèves de « solidarité ».
Plus important encore : les fonctionnaires ne sont pas autorisés à faire grève. Ils ont déjà la sécurité de l’emploi, ils ne peuvent pas tout avoir… Si un mouvement social a pu avoir lieu en mars, c’est que la moitié des em­ployés des services publics allemands sont sous contrat de droit privé. Pendant qu’ils débrayaient pour réclamer une hausse de leurs salaires, les fonction­naires, eux, travaillaient…

Le concept de « grève préventive »
Et surtout, au pays de Marx, d’Engels, de Rosa Luxembourg ou de Ferdinand Lassalle, le « dandy rouge » qui fonda l’Association générale des travail­leurs allemands, aucune grève n’est tolérée pour des motifs politiques. Si l’on s’en tient à la loi, en France non plus. Une grève pour s’opposer à une guerre, par exemple, est illégale, ainsi que la Cour de cassation l’avait rappelé dans les années 1950 après qu’un cégétiste, non content d’avoir fait grève pour s’opposer à la guerre d’Indochine, avait porté un recours devant sa juridiction dans le but d’être rémunéré comme s’il avait travaillé.
Si, depuis le 27 octobre 1946, le droit de grève est reconnu par la Constitution, cela ne veut pas dire qu’on a le droit de cesser le travail pour n’importe quel motif : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. » Et ces lois disent clairement que les re­vendications des grévistes doivent être professionnelles. Strictement professionnelles. La CGT le sait, qui définit très justement le droit de grève, dans l’une de ses fiches juridiques à l’usage de ses adhérents, comme « la cessation collective et concertée d’activité en vue d’appuyer des revendications professionnelles ».
Or on peine à trouver les « revendications professionnelles » dans les motifs de la grève déclenchée par Sud-Rail et par la CGT Cheminots, qui mènent en quelque sorte une « grève préventive », comme il y a des « guerres préventives », au cas où les avantages des cheminots viendraient à être mis en cause par la réforme ferroviaire portée par le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier.
Les deux syndicats refusent cette ré­forme. Ils ne veulent pas de la triple structure que propose le gouvernement, en lieu et place de RFF et de la SNCF, et réclament « une vraie réunification » des deux groupes. Sud-Rail (et l’Unsa) exigent aussi que la dette de Réseau ferré de France (RFF) – 44 milliards d’euros – soit « reconnue comme dette publique » et « confiée à une structure juridique extérieure » afin que RFF puisse investir.

Gérard Filoche se croit en 1936
Quoi que l’on en pense, ce n’est pas une « revendication professionnelle ». Les syndicats le savent, qui, pour faire semblant d’être en conformité avec la loi – et disposer d’un argument pour plaider, le cas échéant –, ont inscrit dans leur préavis de grève quelques réclamations salariales… qu’ils se sont em­pressés d’oublier la grève enclenchée. La CGT prétendait ainsi lancer le mouvement pour faire bénéficier les cheminots de conditions sociales « de haut niveau » !
Le bras de fer engagé entre la CGT et Sud-Rail d’un côté, le gouvernement de l’autre – avec une UMP divisée et un FN qui rejette à la fois la réforme et les syndicats, tout en ménageant les grévistes – s’inscrit en fait dans le rapport de forces interne à la gauche : aile gauche du PS, communistes et mélenchonistes sont à la manœuvre par syndicats interposés. Ainsi du « soutien total » apporté aux grévistes par le socialiste Gérard Filoche, ex-figure de l’extrême gauche trotskyste qui se rêve en fédérateur de la gauche anti-Valls.
« Les cheminots se battent aujourd’hui, explique-t-il, pour que l’engagement n° 5 de François Hollande soit tenu. » Com­me en 1936 donc, où les ouvriers avaient débrayé pour appuyer les ré­formes du Front populaire… Durant sa campagne présidentielle, le candidat Hollande avait en effet promis : « Je préserverai le statut public des entreprises détenues majoritairement par l’Etat (EDF, SNCF, La Poste…). » Filoche n’avance mê­me pas que le statut des cheminots devrait, à terme, céder la place à une convention collective, qui reste à négocier. La CGT non plus. Elle veut le retrait du projet de loi, de tout le projet de loi, et pas seulement la réécriture du passage sur le statut des cheminots, ce qui relève du gouvernement et des parlementaires. Pas de l’action syndicale.
Lundi, pour la première fois depuis le début de la grève, la CGT-Cheminots et Sud-Rail ont demandé à être reçus par la direction de la SNCF pour évoquer « divers aspects de la politique sociale » (augmentations salaria­les, temps de travail, embauches), a an­noncé la direction de l’entreprise, surprise. Jusque-là, le seul interlocuteur valable, pour les syndicats, c’était le gouvernement. La direction de la SNCF s’est étonnée que « ces questions qui relèvent de la vie courante de l’entreprise, et non du projet de loi, soient aujourd’hui mises en exergue pour pro­longer le mouvement de grève ». Et en sortir. Au sixième jour de grève, il com­mençait à être urgent de trouver le moyen d’obtenir un petit quelque chose afin d’expliquer aux grévistes, qui avaient perdu autant de journées de salaire, qu’ils n’avaient pas fait la grève pour rien…  
Marc Bertric

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