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Il menait la droite à Périgueux : tout le monde ne pleure pas Philippe Cornet

Philippe Cornet, leader de l’opposition municipale à Périgueux, en Dordogne, s’est donné la mort. Pour des raisons qu’il a emportées avec lui et qui lui appartiennent. Le contexte politique, lui, demeure. Il a été plus qu’évoqué lors de ses obsèques. Dans la cathédrale. Devant 1 500 personnes… moins deux de ses « amis politiques », qui avaient bien fait de ne pas venir.

Dans la cathédrale Saint-Front de Périgueux, on en­tend une mouche voler. Le cercueil n’est pas encore là mais nul ne chuchote avec son voisin. Chacun est sonné. In­crédule. Dans la préfecture de la Dordogne, pourtant socialiste, les drapeaux ont été mis en berne. Et en cet après-midi quasi caniculaire de juin, toutes les voies d’accès à la cathédrale ont été fermées à la circulation.
Philippe Cornet, qui venait d’a­voir cinquante ans, est mort. Dans la nuit du 6 au 7 juin, il s’est suicidé et il n’y a aucun doute sur les circonstances de sa mort. Suicidé… Pourquoi ? Le prêtre dira qu’il ne faut pas chercher à comprendre. Surtout pas. Paix pour la famille et paix à son âme. Paix sociale aussi ?
A Saint-Front, ce 12 juin, environ 1 500 personnes sont présentes. Bernard Cazeau, le président (PS) du conseil général, est là ; Michel Moyrand, le maire (PS) de la ville aussi ; ainsi que le préfet ou encore Frédéric Nihous, le président de CPNT, qui siégeait avec lui au con­seil régional d’Aquitaine, et la qua­si-totalité du barreau de Périgueux, en robe.

Un « feu follet » qui était « attachant »
Pourtant, Philippe Cornet n’é­tait rien. Ou pas grand-chose. Juste un avocat et le leader de l’opposition municipale. Le futur maire aus­si, dans une ville qu’on dit – enfin, qu’on disait… – prenable par la droite ? On ne le saura ja­mais. En 2008, la ville avait basculé. En 1997, Darcos avait succédé à Yves Guéna, nommé au Conseil constitutionnel, qui dirigeait la cité depuis 1971. En 2001, Xavier Darcos avait été élu dans un fauteuil. Puis il était parti faire carrière. Mi­nistre. Ambassadeur auprès de l’OCDE. Encore ministre.
Darcos pensait que les Périgour­dins seraient flattés d’avoir un mai­re certes peu présent mais tellement intelligent. Tellement brillant. Tellement connu. C’était tout le con­­traire. Ils voulaient juste un mai­re qui soit présent. A leur écoute.
Quand les municipales de 2008 sont arrivées, il était trop tard. Il a été battu d’une centaine de voix. Et il s’est vexé. Tellement qu’il est par­ti. Il a vendu ses biens et quitté la vil­le, direction le bassin d’Arcachon. Là où on peut se retrouver en­tre gens bien élevés. Loin des ploucs.
A Philippe Cornet, devenu président du groupe d’opposition, de mener le combat. Et de redorer l’i­mage d’une droite réputée hautaine, méprisante, parisienne. Philippe Cornet était du cru et avait le contact facile. Toujours joyeux, toujours une tape dans le dos, toujours à tu et à toi. Le terme qui le définissait le mieux est « attachant ».
Quoi qu’on ait pu penser de lui par ail­leurs, de son côté noceur par exem­ple, il suscitait l’attachement. Me Eric Barateau, le bâtonnier, l’a dé­crit tel un « feu follet ». Son énergie, que l’on a cru inépuisable, lui permettait d’être partout, de se battre sur tous les fronts. Il était devenu chef de troupe, prêt pour l’assaut sur la mairie.

Cornet venait de chez les giscardiens
Mais Philippe Cornet avait un tort. Impardonnable en Dordogne où Yves Guéna, « le Commandeur », gaulliste de la première heure et grand bourgeois, fait et défait toujours les carrières du haut de ses 90 ans. Cornet n’était pas gaulliste.
En­fin, pas plus que ça. Il était de droite. Etudiant en droit à la faculté d’Assas, il y avait créé le Celf, le Collectif des étudiants libéraux de France, émanation de l’aide droitière du giscardisme.
Plus tard, revenu au pays, il adhérera à Démocratie libérale, le parti de Madelin. Puis il avait re­joint l’UMP parce que, si on veut faire de la politique en Dordogne, c’est ça ou rien.
En continuant à être ami, co­pain, avec qui bon lui semblait. En continuant à fréquenter, parce que c’était un pote, le restaurant tenu par le représentant local du Front national.
Ce n’était un mystère pour personne que Guéna ne voulait pas de sa candidature à la mairie de Périgueux.
Le Commandeur avait son candidat : Jean-Paul Daudou. Un con­seiller général qui fut brièvement maire de la ville quand Xavier Darcos, devenu ministre, lui avait laissé la place. Il faut le rappeler parce que personne ne s’en souvient… Quand Cornet est né, en 1963, Daudou était déjà membre de l’Union des jeunes de progrès (UJP), le mouvement des jeunes gaullistes…
Quelques jours plus tôt, Guéna, détenteur des morceaux de la vraie croix de Lorraine, avait fait une let­tre, rendue publique le 3 juin, assurant Jean-Paul Daudou de tout son soutien. « J’espère que ce n’est pas cela qui lui a causé du souci » dira Guéna après la mort de Cornet. La classe…

Il y a dix ans déjà, un corbeau chez les gaullistes
Il y a une dizaine d’années, un corbeau avait « causé du souci » à Cornet. Il avait été suspendu du barreau, un an, et avait dû interrompre sa carrière politique. Le jour­naliste Alain Bernard, le plus fin connaisseur de la vie politique périgordine, s’en est souvenu : « L’histoire dite “du Corbeau“ remonte au début des années 2000 lorsque des membres purs et durs du RPR (les noms de Jean-Michel Tailhades, de Jean-Paul Daudou, etc. avaient circulé) avaient cherché à casser les reins à Philippe Cornet, en le discréditant sur fond de faute professionnelle. » Cornet s’en était remis. Comme il se remettait toujours de tout. En ap­parence.
A Saint-Front, où six prises de pa­role se sont succédé, Jérôme Peyrat était en colère. Une colère blanche. Froide. Rédigée dans une en­cre au cyanure. Ancien porte-pa­role adjoint de l’Elysée sous Jac­ques Chirac, ancien conseiller politique de Nicolas Sarkozy, Jérôme Peyrat préside la fédération départementale de l’UMP. « Philippe, a-t-il attaqué d’emblée, il me revient de t’apporter d’abord ici le salut d’une famille politique dont les plus éminents dirigeants m’ont prié de dire à tes proches leur émotion. Tu connais com­me moi leur capacité d’émotion ! Aussi t’épargnerai-je… » Ambiance…
Puis les attaques se sont faites plus précises : « Cette famille, tu ne l’as pas reniée même quand elle t’a maltraité. Tu ne l’as pas reniée non plus quand les bons esprits t’expliquaient, comme à d’autres, qu’un peu plus de radical-socialisme aurait facilité les choses. » Bien plus précises : « Là où tu jouais seigneur comme on dit, viril mais correct, grand seigneur, respectueux et fair-play… tu jouais par­fois seul. »

« D’aucuns ont voulu mettre un éteignoir sur ta flamme »
Pour finir quasiment nominatives… : « Mais la joie et la bonne humeur, c’est suspect en politique Philippe, ça peut même agacer. Alors court la sévère sentence : trop joyeux, trop amoureux de la vie. Il faudrait donc, rituellement, faire le triste pour être crédible ? L’austère pour être sérieux ? Le revêche pour être considéré ? Il faudrait donc absolument et ostensiblement pour être élu faire profession de Cassandre ? Commerce de rigueur ? Figure d’éteignoir ? Oui d’aucuns ont voulu mettre un éteignoir sur ta flamme Philippe » D’aucuns…
Le vendredi 7 juin, la commission d’investiture de l’UMP devait rendre sa décision. Investir Jean-Paul Daudou comme tête de liste à Périgueux ou investir Philippe Cor­net. Celui-ci était persuadé de l’emporter. Il disait même l’avoir déjà reçue mais il savait bluffer.
Daudou aussi qui avait annoncé que, s’il n’était pas désigné, il ferait quand même sa liste, laissant en­tendre que, si « dissidence » il y avait, elle ne serait pas de son côté, lui qui pouvait se prévaloir du soutien de gaullistes historiques. On en était là le vendredi matin, à at­tendre la décision qui allait être an­noncée dans la journée, quand la nouvelle du suicide de Philippe Cor­net est tombée.
A Saint-Front, ce 12 juin, tout le monde était là. Quinze cent personnes réunies dans la cathédrale pour rendre un dernier hommage à Philippe Cornet. Quinze cents personnes pour une ville qui compte 30 000 habitants. Tout le monde était là… sauf deux personnes : Jean-Paul Daudou, à qui la famille de Philippe Cornet avait fait passer le message que sa présence n’était « pas souhaitée » ; et Yves Guéna. Le Commandeur avait fait savoir qu’il était « retenu ».

Gauthier Pradère

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