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Une résistance spirituelle est née Les Veilleurs veillent sur votre liberté

Le 26 mai, la Manif pour tous a de nouveau bien mérité son nom. Mais après l’arrivée aux Invalides, beaucoup sont frustrés : que faire ? Le Mouvement des Veilleurs avait clairement annoncé à l’avance une « grande nuit », une nuit de non-violence, de réflexion, de concentration. Occasion pour y aller voir.

Jean-Christophe me fait signe de me taire. Son brassard discret indique qu’il est dans son rôle de S.O. Je pensais naïvement être dans le mien, en essayant d’interroger des participants, parmi les moins concentrés, ceux qui paraissaient les plus accessibles, aux lisiè­res du groupe d’un millier de jeunes assis sur la pelouse des Invalides, côté Seine. Mais chez les Veilleurs, la première discipline est celle du silence. Même lorsqu’on applaudit c’est au moyen d’un silencieux banc bour­guignon, menottes en l’air mais larynx au re­pos. Tout un programme, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est absolument cohérent.
Qu’est-ce que peut changer ce millier de jeunes à la marche de l’histoire, à cette logique des événements qui nous enferme comme irrémédiablement dans toujours plus d’individualisme ? J’ai sollicité à nouveau Jean-Christophe, content de vider son sac devant un journaliste à l’é­coute. Il me dit : « Je suis les Veilleurs presque depuis le début. Qu’importe de faire nombre, il faut faire signe. » Comment faire signe ? Comment amener les médias à suivre ces actions d’un nouveau genre et à en répercuter l’ur­gence ? C’est certainement l’une des questions qu’ils devront se poser.

Une génération comprend qu’elle est « racinée profond »
Leur trip à ces jeunes, leur truc, portraits de Gandhi à l’appui, c’est le témoignage non violent. Axel et Alix ont lancé l’opération dans le scepticisme général. Dès le début pour­tant, réunis pour protester con­tre l’interpellation de 67 jeunes en une journée (les 67 « salopards »), ils rencontrent un succès fulgurant. L’i­dée est celle de la veillée scout sans feu de camp et sans jeu bruyant. On se contente d’allumer des bougies et de lire des textes, choisis de manière apparemment éclectique : Saint-Exu­péry voisine avec Gramsci, Pé­guy avec Jaurès, Thibon avec Aragon.
Hier, c’était la fête, on avait préparé une petite attraction supplémentaire : malgré les CRS, sourcil­leux, les Veilleurs ont lancé des di­zai­nes de petites montgolfières, dont le feu, visible de loin dans la nuit, symbolise la lumière qu’apportent leurs analyses, j’allais dire leurs prê­ches, car parfois le ton monocorde et comme étouffé ajouté à l’élévation des sujets fait penser à des sermons : « Impossible de se concentrer, lance par exemple Axel, si l’on n’est pas d’abord décentré. » L’individualisme et l’égotisme sont stériles. Il faut d’abord pen­ser aux autres.
En quoi une telle démarche est-elle politique ? Elle ne l’est pas im­médiatement, il faut le reconnaître. Comment caractériser le succès des Veilleurs ? C’est une génération qui apprend, qui se concentre (un peu comme à Madrid aux dernières JMJ, où le pape Benoît XVI avait organisé une veillée silencieuse du Saint Sa­crement à un million de person­nes) ; c’est une génération qui n’a rien à voir avec celle qui la précède immédiatement, qui était tout entière à son bien privé, préoccupée de jouer son jeu dans la comédie hu­maine ; là – est-ce la crise dont chacun sait qu’elle est sans remède ? –, je crois pouvoir dire qu’il y a une soif de vérité et de pureté, qui est inédite.
C’est une génération qui redécou­vre un patrimoine humain dont on ne lui a pas parlé à l’école, une jeu­nesse qui comprend qu’elle est « racinée profond » comme disait Pé­guy, parce qu’il faut bien s’initier à la « guerre de civilisation » dont nous ne vivons sans doute encore que les pro­dromes. D’abord l’information. Ensuite l’action proprement dite.
« Ce sont des personnes qui ont bon­ne réputation auprès des médias », me dit un commandant de CRS vers 2 heu­res du matin, alors que je lui demandai s’il allait attaquer ou non ces irritants Veilleurs… Pendant ce temps, lesdits Veilleurs écoutaient le Petit Prince de Saint-Exupéry, lu à deux voix : « Qu’appelle-t-on apprivoiser ? »
La démarche des Veilleurs n’est pas immédiatement politique mais elle est profondément pensée. Agir ou s’agiter, il faut choisir. Indéniablement, les Veilleurs ont choisi l’action plutôt que l’agitation. Le processus de leur organisation est intéressant. Il repose entièrement sur la discipline, sur l’exercice de la démocratie et sur la surprise.
Les organisateurs utilisent les ré­seaux sociaux, prévenant leurs « followers » d’une action pour le lendemain. Puis, le jour même, ils annoncent le lieu, toujours différent et sym­bolique (parmi les symboles : l’Elysée).
Et au cours de leur sit-in, après une heure ou deux de lecture à la lueur des bougies, après s’être assuré que le premier emplacement de leur Veillée est impeccable, il y a toujours un vote, une consultation des présents qui décident eux-mêmes de la suite à donner à l’action, puis un dé­placement, une marche, qui provoque, bien sûr, la mise en route en pa­rallèle d’un défilé de voitures, lour­des camionnettes de CRS et bus pour d’éventuelles interpellations. On peut rêver du jour où ce déplacement non violent atteindra une ci­ble névralgique.
En attendant, il est clair que la perspective des Veilleurs est avant tout culturelle. C’est déjà une véritable école de cadres dans la rue, où l’on réfléchit aux priorités et aux con­ditions de l’action future. Elle est née spontanément, sans idée préconç­ue. Elle revendique la durée : 2 017 est un horizon souvent évoqué. Ce que pourraient devenir immédiatement ces Veilleurs ? Une instance de résistance civile symbolique, destinée à prendre racine dans le paysage parisien, mais aussi dans les grandes villes de Province. Un symbole spirituel de notre liberté à tous.  
Joël Prieur

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