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Jeu, set et match Roland-Garros : le dopage a encore gagné !

Bien que « convalescent » après avoir été blessé durant six mois, l’Espagnol Rafael Nadal a remporté le tournoi de tennis de Roland-Garros. Comme en 2005, 2006, 2007, 2008, 2010, 2011, 2 012… Ouf ! Huit victoires en neuf participations ! Un palmarès qui fait de lui le Lance Armstrong de la raquette… Ou le Miguel Indurain…

Depuis 1983 et la victoire de Yannick Noah, Roland-Garros attend un vainqueur français. Caramba, encore loupé ! Jo-Wilfried Tsonga, notre meilleur espoir, a été balayé en demi-finale par l’Espagnol David Ferrer. Lequel affrontait donc en finale son compatriote Rafael Nadal, olé ! Yannick Noah va pouvoir ressortir, non pas sa ra­quette, mais son stylo plume.
Etonné par les succès à répétition des Ibériques, que ce soit en ten­nis, dans le foot ou dans le cy­clisme, il avait publié le 19 octobre 2011 dans le journal « Le Monde » une chronique pas piquée des hannetons : « Une question me taraude : comment une nation peut-elle du jour au lendemain dominer le sport à ce point ? » Et Noah de répondre à cet­te question : « Aujourd’hui, le sport c’est un peu comme Astérix aux Jeux olympiques : si tu n’as pas la potion magique, c’est difficile de gagner. Et là, on a l’impression que, comme Obélix, ils [les Espagnols, ndlr] sont tombés dans la marmite. Les veinards. »
Et dans certains sports où l’argent est roi et où, une fois vainqueur, on remercie ses sponsors avant de remercier sa famille, ces vei­nards passent facilement à travers les mailles du filet anti-dopage. A Roland-Garros par exemple, c’est l’ITF (l’International Tennis Fe­deration) qui s’occupe des con­trôles, les échantillons étant ensuite expédiés dans un laboratoire canadien, qui ne relève jamais rien d’a­normal.

Du Tour de France à Roland-Garros…
Il existe pourtant en France un organisme crédible, l’AFLD, l’Agence française de lutte contre le dopage. Mais à Roland-Garros, ses contrôleurs sont interdits ! En 2009, l’AFLD avait pourtant obtenu une dérogation. Mais la star espagnole Rafael Nadal, indignée qu’on puisse la déranger à son hôtel pour une prise de sang, avait crié au scandale et en avait fait une « jaunisse » : cet­te année-là, voyez comme c’est pas de pot, l’Espagnol a été éliminé dès les huitièmes de finale. Sa seule dé­faite à Roland-Garros en neuf par­ticipations…
Dans le tennis, les contrôles prêtent donc plutôt à sourire. Dans Open (Plon), une autobiographie qu’il a publiée en 2009, l’ancien champion américain Andre Agassi rapporte une anecdote significative. En 1997, alors qu’il déprimait, il carburait à la méthamphétamine, une drogue pour se remonter le mo­ral. Il fut contrôlé positif. Il écrivit alors à l’ITF une lettre dans laquelle il expliquait avoir consommé cette drogue en buvant par er­reur le soda de son assistant. Un gros mensonge, mais… une affaire classée !
Toutes ces entourloupes mériteraient une enquête. Et ça tombe bien car, le 27 février 2013 en France, le Sénat a nommé une « commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage ». Sportifs, dirigeants, organisateurs et médecins sont et seront auditionnés jusque fin juin.
Le 17 avril dernier, Patrice Clerc a été entendu. De 2000 à 2008, il a été P-dg d’ASO, organisateur du Tour de France ; mais de 1984 à 2000, il a également été directeur du tournoi de Roland-Garros. Et ce qu’il a vu sur les courts de tennis invite à la réflexion : « A Roland-Garros, des contrôles aléatoires ont d’abord été effectués, puis on les a faits sur les perdants des matches. Puis à un moment, l’ATP [association des joueurs pros, ndlr] a pris la décision avec la fédération internationale de tennis de faire faire les contrôles par une société privée canadienne. On peut toujours soupçonner que les contrôles sont plus destinés à prévenir les dommages que pourraient causer des annonces publiques que pour être réellement transparents. »

Un « sport d’adresse », comme les fléchettes…
Invité à témoigner par la commission du Sénat, Francesco Ricci Bitti, président italien de l’ITF, a voulu balayer ces soupçons : « Le tennis est un sport d’adresse, où le dopage n’a pas d’impact direct sur les performances. Vous ne devenez pas un bon joueur avec le dopage. » Un peu comme le point de croix en som­me… Limite si ce n’est pas un sport de fillettes…
Ricci Bitti, pas avare en foutage de gueule, a rappelé qu’en 2012, sa fé­dération avait effectué 2 185 con­trôles. Mais sur ces contrôles, il n’y avait eu que 334 contrôles inopinés (les seuls réellement efficaces car ils prennent les sportifs par surprise), alors que l’on compte 1 400 joueu­ses et 1 800 joueurs professionnels. Et c’est ainsi que, sur les tablettes de l’ITF, depuis 2010, on ne trouve que sept joueurs à avoir été sanctionnés pour dopage, et, bien évidemment, ce sont d’illustres inconnus…
En revanche, un médecin a été ra­dié. Il s’agit du docteur espagnol Luis Garcia del Moral. Il a été ban­ni du monde du sport pour le rôle essentiel qu’il a joué dans l’affaire… Lance Armstrong. Mais le bon docteur était également proche de l’équipe de football du FC Bar­ce­lone et d’une académie de tennis à Va­lence, où s’entraîne notamment David Ferrer, le finaliste malheureux de Roland-Garros.  
Pierre Tanger


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