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Ne l’appelez plus Gevrey-Chambertin, la France l’a laissé tomber

Les Chinois trouvent la France gironde et possèdent déjà une trentaine de domaines viticoles dans le Bordelais, des châteaux pas très pompeux. Mais en Bourgogne, ils ont frappé un grand coup. Le célèbre château Gevrey-Chambertin, en Côte-d’Or, est tombé sous la coupe d’un casinotier de Macao. Ou quand la France se trouve sous l’Empire du milieu…

«Ne m’appelez plus ja­mais Ge­vrey-Chambertin, la France, elle m’a laissé tom­ber… » Michel Sar­dou aurait pu en faire une chanson. Mercredi 22 août, la transaction, réalisée au printemps, a officiellement été annoncée. Le do­maine du château de Gevrey-Chambertin, fleuron des vins de Bourgo­gne, a été racheté par « un milliardaire chinois », pour 8 millions d’euros. En Côte-d’Or, ça fait beaucoup d’argent – trop pour les exploitants locaux. Regroupés autour de Jean-Michel Guillon, président du Syndicat des vignerons de Gevrey-Cham­bertin, ils avaient fait une offre con­séquente : 5 millions d’euros. Mais le Chinois a écrasé la concurrence comme on foule le raisin aux pieds. La Safer (Société d’aménagement fon­cier et d’établissement rural), qui a notamment pour but de stabiliser les prix du marché, aurait pu sauver la mise, car elle dispose d’un droit de préemption. Or, gros pé­pin, le domaine à vendre étant ad­ministré par une société composée de plusieurs actionnaires, le directeur de la Safer a expliqué que, dans ces conditions, le code rural ne lui permettait pas « de préempter des parts de société ». Le château du do­maine, bâtisse du XIIe siècle, étant classé monument historique, on au­rait pu alors espérer que l’Etat s’active afin que Gevrey-Chambertin ne s’écrive jamais en idéogrammes chi­nois… On se faisait des illusions ! Il fut pourtant un temps où le rouge n’était pas seulement considéré comme une des trois couleurs du drapeau national, mais aussi com­me une valeur première de no­tre terroir. En 1988, alors que le groupe japonais Takashimaya voulait mettre les pieds dans le vi­gnoble bourguignon en rachetant le prestigieux domaine de la Romanée-Conti, Henri Nallet, alors mi­nistre de l’Agriculture de Mitterrand, avait mis son veto et déclaré : « La Romanée-Conti, c’est comme une cathédrale. Il n’est pas question de laisser partir un élément du patrimoine culturel français. » Clin d’œil à Martel, pas la marque de cognac mais à Charles, écrasant les Arabes à Poitiers en 732, le journal « Libération » avait alors titré : « Henri Nallet arrête les Japonais en Bourgogne ».


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  • Publié dans le numéro : 2579
  • Auteur : Pierre Tanger
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