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Camarade Sturm épisode 2/4

Thierry Muckensturm était couché sur le dos, les yeux fermés. Les images défilaient. Il essayait de mettre de l’ordre dans l’enchaînement des faits. Le lieutenant Gomez était debout à ses côtés, l’air ennuyé. Bien sûr qu’il ferait tout pour l’aider, seulement on n’avait pas re­trouvé de couteau sur place, et ça, ça l’ennuyait beaucoup. « Vous êtes vraiment certain qu’il y avait un couteau ? » demanda-t-il. Muckensturm soupira et ouvrit les yeux. « Absolument certain », répondit-il. Le lieutenant Gomez hocha la tête. Muckensturm essaya de bouger mais sa côte fêlée le fit souffrir et il serra les dents. « Ils ont dû le reprendre avec eux », ajouta-t-il au bout d’un instant. Le lieutenant ne répondit rien. Il se demanda si l’argument passerait. Probablement non. Penserait-on, dans la panique générale, à récupérer un cou­teau ? Et après tout pourquoi pas ? En vérité, il ne savait pas si l’histoire du couteau était vraie, et d’ail­leurs au fond de lui cette question lui importait peu. Il se sentait même prêt à affirmer l’avoir vu.
Muckensturm était dans un sale pétrin. Le type était mort sur le coup, la presse parlait de tir aux pigeons et les émeutes avaient redoublé de violence un peu partout. On réclamerait sa tête en haut lieu. Il posa sa main sur son épaule, lui souhaita bon courage et sortit de la chambre d’hôpital au moment où sa femme entrait. Elle se précipita sur le lit et étreignit son mari en pleurant. « Ne t’inquiète pas », tenta-t-il de la rassurer. Les images continuaient à défiler dans sa tête. Il voyait les visages, les habits et les moin­dres détails avec une étonnante netteté. Soudain, il fronça les sourcils et rembobina mentalement la suite d’images qui venaient de s’imposer à sa conscience. Derrière l’homme au couteau, juste avant le coup de feu, il vit un autre homme le prendre en photo avec son téléphone portable. Il chassa l’image de son cerveau, se redressa un peu, caressa les cheveux de sa femme. Les prochains mois seraient difficiles mais avec elle il tiendrait le coup, de cela il était sûr. Il la rassura une nouvelle fois et dormit le reste de la journée et la nuit suivante.
Le matin, le lieutenant Gomez entra dans la cham­bre alors qu’il prenait son café allongé sur son lit. Il était blanc, le visage défait, les yeux rouges et brillants. Muckensturm le salua. Le lieutenant s’assit et cacha sa tête dans ses mains. Après quelques secondes de silence, il déclama soudain, très vite, une phrase probablement ap­prise par cœur. « Votre femme


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  • Publié dans le numéro : 2576
  • Auteur : Gabriel Giauque
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