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Le crime était presque parfait

Victime de la pire campagne de lynchage de toutes les élections présidentielles de la Ve République, confronté à un véritable rouleau compresseur médiatico-judiciaire qui aurait dû le broyer, François Fillon a tenu. Parce que, à « Minute », nous souhaitons un second tour entre Marine Le Pen et François Fillon, pour être sûrs d’échapper au péril Macron, nous nous en félicitons.

De mémoire d’électeur, même de celui qui a connu la première élection du président de la République au suffrage universel direct de la Ve République, en 1965, et a suivi celles de 1969, de 1974, de 1981, de 1988, de 1995, de 2002 et de 2007, c’est du jamais vu. Même Jean-Marie Le Pen, durant ses quatre campagnes présidentielles, n’a jamais été la cible d’un tel lynchage, y compris dans l’entre deux tours de 2002, qui fut nettement plus violent mais ne dura que deux semaines au lieu des cinq semaines qui se sont déjà écoulées depuis le premier article du « Canard enchaîné ».
2002 fut certes marqué par une extravagante mobilisation « antifasciste » qui n’avait pas lieu d’être mais la justice, au moins, n’entra pas en lice, pas plus que cet entre deux tours ne fut marqué par les trahisons ni par les rumeurs qui viennent déstabiliser le candidat sur ce qu’il a de plus cher : les enfants, l’épouse, sa propre vie privée. Le président du Front national eut droit à une part de tout cela, mais échelonné.

La primaire a déligitimé le parti
Là, depuis fin janvier, François Fillon aura connu ce qu’un candidat à la présidence de la République peut connaître de pire – sous réserve évidemment que le pire reste toujours à venir – et si sa carrière douillette ne l’avait pas préparé à affronter le double effet Kiss Cool des poursuites judiciaires et du lynchage médiatique s’appuyant l’une sur l’autre à la façon de coureurs de relais engagés dans un biathlon – passage de témoin, tir, course, passage de témoin, tir, et ainsi de suite –force est de lui reconnaître une détermination qu’on ne lui connaissait pas.
Le processus des primaires, tant critiqué, y compris dans nos colonnes, n’est peut-être pas étranger à sa résistance. C’est fort de la légitimité que celles-ci lui ont conférée qu’il a tenu, et il l’a fait face à l’appareil du parti qui avait pourtant organisé cette primaire, et qui, l’ayant voulu ouverte à tous les électeurs de la droite et du centre, lui a finalement échappé. Quand on est désigné par un parti, on peut être démis par ce même parti. Quand on est désigné par un scrutin qui a réuni 4,5 millions d’électeurs, on peut résister à son parti – d’autant qu’il aura bénéficié jusqu’au bout du soutien de Nicolas Sarkozy, que l’on découvre également dans le rôle du sage.
Car paradoxalement, alors que la primaire avait été perçue comme la revanche des partis contre l’esprit de la Ve République, elle aura été le meilleur argument de Fillon pour résister aux demandes de retrait formulées de l’intérieur de ce même parti. Fillon désigné par l’appareil de LR, il était mort. Fillon désigné par la primaire, il avait les arguments pour s’opposer, quand bien même serait-il resté seul, à la tentative d’assassinat politique dont il faisait l’objet de la part d’une coalition regroupant toute la gauche et l’extrême gauche, ainsi que ceux qui, ayant fait toute leur carrière à la droite de l’échiquier politique, n’ont toujours pas compris que cette fois, les électeurs demandaient un véritbale candidat de droite, n’ayant pas peur de s’en réclamer et de porter un programme « radical » – apparemment un gros mot pour Alain Juppé.

Feu à volonté sur Macron !
Ce qui a nui à François Fillon est évidemment le « Penelope Gate », mais encore plus la trouille maladive de ceux qui étaient supposés le soutenir et se sont désolidarisés de lui sous la pression médiatique. « Imagine-t-on le général De Gaulle se coucher devant un éditorial du “Monde“ ? », aurait pu dire Fillon, si la phrase, venant après la précédente allusion, n’avait pas été malvenue. Que de temps perdu et d’énergie dépensée en états d’âme dispensés dans tous les médias qui ne demandaient que cela, alors qu’il aurait suffi de faire corps pour ne pas donner prise à la possibilité, devenue presque une nécessité jusqu’à lundi, d’un suicidaire plan B.
A moins de sept semaines du premier tour de la présidentielle, il était temps de siffler la fin de la récréation. Car le péril existe, et il n’est pas, contrairement à ce qu’a dit François Fillon dimanche soir sur France 2, de voir Marine Le Pen l’emporter, mais de voir Emmanuel Macron accéder à la présidence de la République, avec son indécision toute « hollandaise », avec dans ses bagages tout ce que la France compte de libéraux-libertaires qui ne connaissent de la France que son CAC 40 et ne lisent que les journaux dont ils sont les propriétaires, avec sa vision post-moderne de la société française, à l’opposé de ce que François Fillon affirme vouloir défendre.
La campagne présidentielle, parasitée par le « Penelope Gate », peut enfin commencer. On va enfin pouvoir parler politique. On va enfin pouvoir débattre des projets. Marine Le Pen estime qu’il faut sortir de l’Union européenne, François Fillon juge que non. Qu’ils en parlent enfin ! Qu’ils s’engueulent ! Qu’ils échangent des arguments ! Que le débat démocratique s’engage, sur l’Union européenne, sur l’immigration, sur le libéralisme économique, et sur quelques autres sujets qui sont fondamentaux comme l’école. Qu’ils s’affrontent… au second tour. Et que, d’ici là, ils concentrent leurs meilleures salves sur Macron. Plus d’un tiers des électeurs n’a pas encore fait son choix. Quatre électeurs sur dix peuvent encore changer d’avis (voir page 7). Feu sur Macron !
La balle est dans le camp de Fillon. Maintenant que le gros de l’offensive est passé, et justement parce qu’il a perdu des troupes dans la bataille, il peut faire siennes ces paroles attribuées au général Foch en 1916 : « Pressé fortement sur ma droite, mon centre cède, impossible de me mouvoir, situation excellente, j’attaque. »   
« Minute »

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