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Les clandestins algériens débarquent en Sardaigne

Le phénomène n’est pas encore massif mais il est suffisamment consistant pour être inquiétant. Un nouveau flux de migrants commence à se déverser en Europe et il est constitué d’Algériens, qui arrivent par la mer en Sardaigne. S’ils veulent poursuivre par le nord pour gagner la France, ils n’ont que douze kilomètres à parcourir. Mais, bonne nouvelle, à l’arrivée, ça s’appelle la Corse…

L’Italie n’en peut plus de voir arriver des migrants – surtout lorsqu’ils sont de la va­riété économique, moins dé­sireux de fuir une persécution religieuse ou politique que de profiter de l’opulence occidentale qu’on leur fait miroiter. De retour d’une semaine dans la péninsule italienne, je reviens avec les coupures de presse sur les derniers débarquements d’« Africains » qui visent désormais de plus en plus la Sardaigne. Sauf que ces Africains sont bien souvent des Algériens – qui viennent d’une « démocratie », non ? Le Sarde, farouchement attaché à sa splendide insularité, voit cela d’un plus mauvais œil encore que son cousin de la terre ferme.
Pas plus tard que dimanche soir, vingt-deux Algériens ont touché terre sur une plage de la commune de Domus de Maria, au sud-ouest de la Sardaigne. Une autochtone raconte comment elle a entendu des cris de joie venant de la mer avant de voir le groupe de migrants s’éloigner par la route. Aussitôt avertis, les carabinieri sont arrivés et ont arrêté les clandestins. « Ce sont tous des jeunes Algériens », note Ansa, la principale agence de presse italienne.

Un nouveau pont migratoire sous-évalué
Depuis janvier, le compte des migrants arrivés en Sardaigne, le plus souvent sur des embarcations de fortune, ne cesse de grossir. Au 9 septem­bre, le chiffre officiel s’établissait à 5 807 migrants arrivés depuis le début de l’année, dont 1 200 mineurs non ac­compagnés. A cette même date, la plupart d’entre eux étaient éparpillés dans différents centres d’accueil : 5 240 étrangers exactement selon la préfecture de Cagliari. Les statistiques gonflent cha­que jour : par dizaines, par vingtaines, les migrants accostent après une traversée plus périlleuse que celle menant vers Lampedusa ou le sud de l’Italie, mais avec de nouvelles perspectives.
D’autres pays seraient ravis de n’avoir « que » 6 000 migrants. Par rapport aux centaines de milliers de Syriens, d’Afghans, d’Irakiens, d’Africains qui ont déferlé par l’Europe du sud-est et par la Grèce depuis 2015, c’est une paille ! Mais la Sardaigne, avec ses églises pleines le dimanche, son style de vie traditionnel, ses coutumes et ses processions, ne le voit pas de cet œil-là. Un centre d’accueil promis à une ouverture prochaine a été vandalisé. La préfecture parlemente avec les maires. Les résistances se font entendre. « Il Giornale », journal de centre-droit, concède que le phénomène reste « circonscrit » mais avertit qu’il est « en augmentation », alors que des passeurs algériens se sont fait prendre le 20 août dernier, convaincus d’avoir organisé sciemment le voyage vers les côtes sardes.
Ce jour-là, dix-huit personnes débarquaient à Sant-Antioco, seize à Teluada. Sept nouveaux clandestins ont été pris le lendemain à Porto Pino. « Dans tous les cas, il s’agissait de migrants algériens. » Le 2 septembre, 931 mi­-grants naufragés – 616 hommes, 102 femmes et 213 mineurs – ont été déposés à Cagliari par un navire garde-côtes, au moment même où le ministère de l’Intérieur assignait à la région autonome de Sardaigne – depuis Rome, bien sûr – un nouveau quota de 1 262 réfugiés à accueillir.
Aussitôt, les autorités locales ont protesté. Le gouverneur Francesco Pigliaru estime que « cela n’a pas de sens de faire venir des personnes qui ne veulent pas rester » – en effet, les migrants préfèrent l’Europe plus septentrionale. Le syndicat de police SIAP est du même avis : son représentant provincial Mauro Aresu parle de « l’augmentation exponentielle du débarquement des sujets en provenance d’Algérie » : « On est en train d’ouvrir un nouveau pont migratoire qui reste totalement sous-évalué. »

40 millions d’Algériens, et nous, et nous…
La solution ? En Sardaigne, on multiplie actuellement les centres d’accueil. Depuis quelques jours, le comité provincial pour l’ordre et la sécurité publique tente de mettre en œuvre la ligne proposée par le gouvernement : répartir les « réfugiés » en tout petits groupes en respectant des normes stric­tes : pas plus de 2,53 migrants par 1 000 habitants. Une ville de 5 000 habitants n’accueillerait ainsi pas plus de 12 clandestins.
L’association des communes de Sardaigne ne s’est pas laissée tenter. Il s’agit là, dit-elle, d’un rapport numérique qui ne tient pas compte de la réalité. Ce qu’elle veut, ce que veulent les autorités locales, c’est qu’on contienne le flux et que l’on fasse clairement la distinction entre les migrants « politiques », fuyant effectivement la guerre et les persécutions, et les migrants économiques à la recherche de perspectives qu’ils savent impossible à trouver chez eux.
Si la police résiste à l’idée contraire, qui est de rassembler le plus possible de migrants, mineurs compris, dans l’ancienne école de la police pénitentiaire de Monastir, aux portes de Ca­gliari, le préfet local estime que le fait de pouvoir ainsi enfermer et contrôler les migrants pourra servir à dissuader d’autres Algériens de tenter la traversée – « et nous aurons le temps de travailler dans le calme pour identifier les migrants et les renvoyer », promet-il. L’expérience prouve que les choses ne sont pas aussi simples…
En vérité, c’est une nouvelle route d’immigration qui s’ouvre. Une voie désormais prisée des Algériens. Et là, il y a du monde au portillon : la population de l’Algérie est estimée à plus de 40 millions d’habitants !   


Jeanne Smits

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