Logo
Imprimer cette page

L’islam veut faire main basse sur le foot mondial

Candidat idéal pour devenir président de la Fifa (la Fédération internationale de football), notre Michel Platini national est empêché de défendre ses chances (1). Alors, pour décrocher la timbale (qui sera décernée le 26 février 2016), il reste deux favoris. Qui sont tous deux musulmans. L’islam joue désormais sur tous les terrains.

C’est le 21 juin 1982, lors de la coupe du monde organisée en Espagne, que le grand cauchemar a commencé, mais à l’époque, personne ne l’avait sérieusement imaginé. Ce jour-là, à Valladolid, la France joue contre une équipe du Golfe persique, celle du Koweit. À la 78e minute du match, le petit Gigi, Alain Giresse, marque un but pour la France. Mais le cheikh Fahid Al-Ahmad, frère de l’émir du Koweit, descend sur la pelouse dans le costume folklorique de son pays, avec djellaba et keffieh rouge à carreaux blancs. Il regarde alors l’arbitre dans les yeux… et il fait annuler le but ! Sélectionneur de l’équipe de France, Michel Hidalgo, qui, en short et polo à rayures, ressemble à un bouliste tropézien, devient tout rouge et proteste. Il est aussitôt expulsé du terrain par la police. Hallucinant ! Historique ! Scandaleux (même si la France a finalement gagné 4 à 1).
Au Bar des Sports, Pierrot, que les apéros rendaient extralucide, avait alors pronostiqué : « Tu verras qu’un jour ces cons-là, qu’ont sur la tête la serviette Cochonou, y feront la loi dans le foot ! » Pierrot est depuis parti, emporté par une cirrhose, mais sa terrible prophétie s’est réalisée. Les émirs et les cheikhs ont décidé de faire main basse sur le football mondial.

La Fifa plus puissante que l’ONU
Alors que, dans ces pays arabes, le sport national est la course de chameaux (ce n’est pas une plaisanterie), ils se sont soudain pris de passion pour le foot. En 2008, le cheikh Mansour bin Zayed Al-Nahyan, membre de la famille royale d’Abou Dhabi, s’offrait le club anglais de Manchester City pour 280 millions d’euros. En mai 2011, l’émir du Qatar se payait le Paris-Saint-Germain, et, dans la foulée, il est devenu le sponsor principal du plus grand club de foot actuel, le FC Barcelone (voir encadré). En bonus, le Qatar organisera la coupe du monde 2022.
Aujourd’hui, l’objectif clairement affiché est de placer un musulman à la tête de la Fifa, la fédération internationale de football. Dans quel but ? Un chiffre donne une idée de l’enjeu. Alors que l’ONU (Organisation des Nations unies) compte 193 États membres, la Fifa regroupe les fédérations de 209 pays (2) ! C’est la plus belle des vitrines que puisse s’offrir l’islam.
Le président de la FIFA, le Suisse Sepp Blatter, ayant été suspendu de ses fonctions (suite à une affaire de corruption, avec des pots-de-vin ayant été versés par… de riches pays arabes !), l’instance est actuellement présidée, par intérim, par Issa Hayatou, camerounais et musulman. C’est déjà une grande première : depuis sa création en 1904, la Fifa avait toujours été dirigée par un Européen (avec toutefois une longue parenthèse latino-américaine, quand, de 1974 à 1998, elle eut à sa tête le Brésilien Joao Havelange). Mais l’intérim Hatayou n’est qu’un lever de rideau, un petit kebab avant le grand couscous.

La Fifa a déjà autorisé
le port du voile
Le 26 février prochain, à Zurich en Suisse, au siège de la Fifa, les 209 pays membres procéderont à l’élection officielle d’un nouveau président. Et parmi les candidats déclarés, deux musulmans sont en pôle position.
Il y a d’abord le prince de Jordanie, Ali ben Al Hussein, un fils du défunt roi Hussein. Président de la Fédération jordanienne de football depuis 1999, il a été, de 2011 à mars 2015, vice-président de la Fifa. Et il en a profité pour faire adopter par l’instance internationale une nouvelle règle qui… ne décoiffe pas, mais laisse perplexe. Explication : dès son arrivée à la Fifa, le prince Ali s’était présenté comme un fervent partisan du football féminin : « Je suis déterminé à aborder toutes les questions pertinentes afin de veiller à ce que toutes les filles et les femmes puissent jouer ce beau jeu. » Il a alors soumis une idée originale… destinée à autoriser les joueuses musulmanes à jouer voi lées ! Et pourquoi pas les Françaises autorisées à jouer en tailleur Chanel et les Brésiliennes en string ?
Il n’empêche : le 5 juillet 2012, la Fifa a autorisé le port du voile (ou hijab) pour les joueuses. Le prince a ainsi réussi à islamiser la Fifa alors que dans certains pays islamiques, la pratique du sport est interdite aux femmes ! Comme par exemple en Arabie saoudite où le nouveau roi Salmane aimerait accueillir les jeux Olympiques, mais à la condition qu’il n’y ait que des hommes !

Si Ali l’a dans le baba,
ça sera le cheikh du Bahreïn qui sera élu
Mais vous l’aurez compris, l’objectif premier n’était pas, en faisant autoriser le port du voile, de développer le football féminin dans les pays du Golfe, mais de montrer à la Fifa que dans ses règlements, elle devait désormais tenir compte des préceptes de l’islam.
Pour faire passer cette « loi du jeu », le prince Ali a pu compter sur le soutien actif de l’AFC, l’Asian Football Confederation. Cette confédération regroupe les pays du Proche et Moyen-Orient, et ceux d’Asie à proprement parler, plus l’Australie. Mais alors que ce sont des pays comme le Japon, les deux Corées et l’Australie qui brillent sur les terrains de foot, ce sont les Arabes qui gèrent l’AFC.
Son président est ainsi le cheikh Salman Al Khalifa, membre de la famille royale du Bahreïn, petit et riche archipel du Golfe. Il est également vice-président de la Fifa. Et il s’est déclaré à la présidence de la Fifa en février prochain. Si le prince Ali de Jordanie l’a dans le baba, c’est le cheikh Salman du Bahreïn qui sera élu. Pour les observateurs avisés, c’est le grand favori. Il a pourtant un handicap : des associations des droits de l’homme l’accusent d’avoir fait arrêter et torturer 150 sportifs qui, en 2011, avaient participé à un mouvement de rébellion contre le pouvoir en place à Bahreïn. Mais il a un gros avantage : le soutien du Qatar.
Le cheikh Salman s’est en effet beaucoup employé pour que le Qatar obtienne l’organisation de la coupe du monde 2022. L’heure est donc au renvoi d’ascenseur. Et avec son pognon, le Qatar peut influer sur le scrutin et facilement convaincre les électeurs indécis (le cheikh Salman mène d’ailleurs actuellement une campagne très active auprès des 54 pays membres de la Confédération africaine de football).
Alors maintenant, un président de la Fifa musulman, ça changera quoi ? Si, au Bar des Sports, Pierrot était encore là, il aurait dit : « Tu verras qu’avec ces cons-là, on jouera un jour la finale de la coupe du monde à Noël ! » Eh bien, c’est déjà fait. Une commission de la Fifa, au sein de laquelle œuvrait le cheikh Salman, a décidé que la coupe du monde 2022, organisée par le Qatar, n’aurait pas lieu en juin-juillet comme le veut la tradition, mais en fin d’année, avec finale le 18 décembre. La prochaine étape ? Avec un président musulman, le calendrier international tiendra forcément compte des dates du ramadan. Il reste à souhaiter que les joueurs chrétiens qui se signent avant d’entrer sur le terrain ne seront pas interdits de compétition.
Pierre Tanger

© 2012-2017 - ASM - Tous droits réservés