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Allô Philippot, pourquoi tu tousses ?

Depuis le 3 septembre 2013, le dirigeant identitaire niçois Philippe Vardon est officiellement membre du RBM, le Rassemblement Bleu Marine ! Une adhésion acceptée par la direction du mouvement mariniste qui risque de faire des vagues. Et de perturber la donne des municipales niçoises, où Marie-Christine Arnautu conduit la liste du FN.
Philippe Vardon, si vous l’avez déjà vu, vous ne l’aurez pas oublié : modèle grande gueule et gros ga­ba­rit ! Cela fait dix ans qu’il fait partie des cadres identitai­res. Il a dirigé les jeunes du mouvement et est l’une des principales fi­gures publiques de cette mouvance qui avait organisé « l’apéro saucisson-pinard » ou qui, l’an dernier, avait investi le chantier de la mosquée de Poitiers. Leur influence idéologique a été remarquée quand Jean-François Copé a parlé de « ra­cisme anti-Blancs » : un thème porté par les identitaires depuis dix ans….
Physiquement, Vardon aurait plutôt le profil d’un videur de boî­te ; mais s’il a la nuque épaisse, il est diplômé d’un troisième cycle de sciences politiques. L’un de ses an­ciens profs, désormais porte-parole du PS dans les Alpes-Maritimes, l’évoque ainsi : « C’est quelqu’un d’intelligent, doté d’un véritable sens politique. » Un avis partagé par Bru­no Bilde, ancien directeur de cabinet de Marine Le Pen : « Il n’a pas le physique de ses qualités, c’est un homme plutôt fin, intelligent. »

Des rencontres avec Marine Le Pen
Lors de la présidentielle de 2012, Vardon avait apporté son soutien à Marine Le Pen (ce qui n’avait pas man­qué de provoquer l’ire de certains identitaires, partis depuis), et a depuis fortement imprimé sa mar­que dans la stratégie du mouvement vis-à-vis du FN, qui se veut désormais « complémentaire et non concurrent ».
De l’autre côté, le secrétaire gé­néral du FN, Steeve Briois, n’a ja­mais caché son intérêt pour le Ni­çois, et Louis Aliot tout autant que Marine Le Pen (qui l’ont rencontré à plusieurs reprises) n’ont pas fer­mé la porte non plus.
Ajoutons à cela que Gilbert Collard l’avait rencontré dans le cadre de la défense des identitaires poursuivis pour l’action menée à Poitiers ou que Bruno Gollnisch donnait il y a peu une conférence au lo­cal des identitaires lyonnais, et l’on s’apercevra qu’il ne reste que Jean-Ma­rie Le Pen pour ne pas le porter dans son cœur. Les deux hommes s’étaient af­frontés sur un plateau de télévision lors de régionales de 2010 – Vardon intervenait pour la Li­gue du Sud de Jacques Bompard – et Le Pen ne lui avait même pas serré la main…
Avec Nissa Rebela, dont il a ré­cemment laissé la présidence, Vardon a développé à Nice – considérée par Le Pen comme son fief – la seule réelle implantation électorale des identitaires avec des résultats tournant autour de 4 à 5 %, ce qui n’est pas négligeable dans une ville où l’UMP tient la barre et où le FN reste fort électoralement. Il y a mê­me noué une entente avec l’ancien maire (ex-FN, ex-UMP), Jacques Pey­rat.
Reste que les lignes de fracture entre identitaires et marinistes sont nombreuses : les uns défendent les « patries charnelles », les autres sont ja­cobins ; les uns se battent pour la dé­fense de la civilisation européenne quand les autres estiment qu’il n’est de civilisation que française ; et les identitaires ne sont pas réputés être particulièrement étatistes.
Sans parler de leur conception de la nationalité, qui n’a rien à voir avec celle, « républicaine », de Marine Le Pen.

Alter-Européen plutôt qu’européiste
Contacté par « Minute », Philippe Vardon, qui semble ne vouloir fâcher personne, feint de s’étonner de notre étonnement. « Je ne suis pas le premier identitaire à rejoindre le RBM. D’autres l’ont déjà fait et participent aux campagnes municipales. » Certes, Arnaud Naudin, responsable de l’agence d’in­formation identitaire Novopress, participe à la campagne de Robert Mé­nard à Béziers. Sauf qu’il est plus difficile à un cadre de l’importance de Vardon de dire qu’il a vu de la lumière et qu’il est entré.
Questionné sur son régionalisme, Vardon explique : « J’ai déjà répondu à Marie Christine Arnautu dans “Nice Matin“ : être régionaliste, ce n’est pas être indépendantiste. D’ailleurs, dans son livre Français d’abord, Le Pen lui-même s’affirmait régionaliste ! » Mais d’ajouter aussitôt, comme s’il craignait d’avoir proféré un gros mot : « Je préfère néanmoins me définir comme un enraciné. »
Et sur le fait qu’il soit ce qu’au FN on appelle un « européiste » ? Réponse de Vardon : « S’il est évident que je suis profondément attaché à l’Europe comme civilisation, je ne critique pas le jacobinisme de Paris pour aller me prosterner devant celui de Bruxelles ! Et j’a­vais fait campagne contre le Traité constitutionnel européen ! Je me considère comme un alter-Européen et me si­tue sur une ligne très proche de celle du géopolitologue Aymeric Chauprade qui vient de rejoindre le FN. »
Et Vardon de clore le débat, un brin agacé : « Il y a certainement moins de différences entre Florian Philippot et moi qu’entre NKM et Lionnel Luca ou Montebourg et Ayrault ! » Là, on tient le pari ! Pour parler clairement, Vardon représente à peu près tout ce que Philippot déteste…
Il reste donc désormais à savoir quel impact cette adhésion au Rassemblement Bleu Marine peut avoir – et notamment si elle en annonce d’au­tres – et quelles vont être les réactions au sein du FN. De Saint-Cloud à Nanterre mais surtout à Nice, où Marie-Christine Arnautu, à qui il a tendu la main à plusieurs re­prises, va devoir composer. Ou pas. 
Antoine Vouillazère

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