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Et si Philippe de Villiers revenait ?

Dimanche aura lieu, à Paris, la troisième démonstration de force de La Manif pour tous. La dernière ? Chacun se refuse à y croire. Et pourtant… Le combat contre le mariage des homosexuels a été perdu. Définitivement ? Des maires, tel Xavier Lemoine, vont résister. Mais quid du réveil des catholiques ? Quid des combats à venir ? Ce texte est un appel…

A l’été 1981, une nouvelle fait trois lignes dans les journaux. Un sous-préfet, refusant de servir le nouveau pouvoir socialiste issu des lé­gislatives des 14 et 21 juin qui ont donné à François Mitterrand, élu le 10 mai 1981, la majorité pour gouverner, demande sa mise en disponibilité. Issu de la promotion Mendès-France de l’ENA, diplômé de Scien­ces Po Paris, titulaire d’une maîtrise de droit public, il peut caresser l’espoir d’une brillante carrière. A 32 ans, il a fait ses premières armes com­me directeur de cabinet du préfet de Charente-Maritime et est de­venu sous-préfet de Vendôme, dans le Loir-et-Cher.
Trois ans plus tôt, alors qu’il était à l’ENA, il s’est lancé dans une folle opération. Près d’un château en ruines dont le conseil général vient de faire l’acquisition, sans trop savoir ce qu’il va en faire, il a créé un spectacle nocturne, animé par des bénévoles et ba­sé sur l’histoire, en partie mythifiée, de la province. La partie de la terrasse de ce qu’il reste du château et qui ne menace pas ruine sert de scè­ne ; les tuyaux d’arrosage servent de jets d’eau ; des voitures sont ré­quisitionnées pour éclairer la scène avec leurs phares. Tout à l’avenant. Et fin 1981, puisque Mitterrand vient de libéraliser la bande FM, notre énarque crée une radio libre. Autant profiter des opportunités.
Trois décennies plus tard, le Puy-du-Fou attire 1,5 million de visiteurs annuels. Il est plus rentable que Disneyland Paris. Et sans coûter un eu­ro : il est autofinancé à 100 %. L’an dernier, il a été désigné meilleur parc du monde. Sans s’être jamais renié.
Cette année, le nouveau spectacle s’appelle, tout simplement : Les Chevaliers de la Table ronde.
Quant à Philippe de Villiers, qui, après avoir épuisé ses trois années de mise en disponibilité, a démissionné de l’administration en 1985, il aura marqué l’histoire politique de la Fran­­ce, ayant été près de vingt-cinq ans président du conseil général de Vendée, député, député au Parlement eu­ropéen – il l’est toujours –, mi­­nistre et même, deux fois, candidat à la présidence de la République.

Ras-le-bol des « glorieuses défaites » !
Printemps 2013, « printemps français » L’heure n’est plus au « changement », tout court, mais au « changement de civilisation ». Revendiqué com­me tel. Assumé et applaudi comme tel. Validé par un Conseil constitutionnel qui a décidé comme ça, a priori, sans aucune justification, que « doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait “naturellement“ l’union d’un homme et d’une femme », et que l’adoption d’en­fants par des couples homose­x­uels ne contrevient pas à l’article 2 de la Déclaration de 1 789 (« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ») en cela que la li­berté, qui y est proclamée, « implique le respect de la vie privée », postulat qui demanderait, à tout le moins, d’être étayé !
Il s’est bien trouvé, avant que la loi ne soit validée par le Conseil constitutionnel, 82 hauts fonctionnai­res pour adresser, sous couvert d’anonymat, une lettre ouverte au président de la République en faisant valoir qu’ils étaient tous « anciens élèves de l’ENA, répartis sur 34 promotions », mais le pseudonyme collectif utilisé, « groupe Cambacérès », s’il fait référence au principal rédacteur du Code civil, était justement pour cela mal choisi : lorsque se produit un « changement de civilisa­tion », on ne s’y oppose pas avec des armes juridiques, dont chacun sait, et les avocats les premiers, que leur ef­ficacité dépend de l’habileté de ce­lui qui les manie (1)…
La civilisation change, donc, et nul n’a demandé sa « mise en disponibilité pour convenances personnelles », ainsi que la loi le permet, disposition qui présente tout de même de sé­rieux garde-fous puisque la réintégration est de droit. Ah oui : durant la disponibilité, les droits à l’avancement et à la retraite sont gelés… Et puis créer une entreprise, aujourd’hui… Bâtir – ce que la droite n’a ja­mais fait – une véritable école de formation… Entreprendre une reconquê­te méthodique et structurée du terrain culturel… Passer de la théorie aux actes sur le plan métapoliti­que… Et pourquoi pas mener un combat qui, pour une fois, ne serait pas une « glorieuse défaite » tant qu’on y est ? Avec la crise, ma bonne dame, vous savez…

L’exemple de « Monsieur de Charette »
La France est à droite, dans les es­prits. Mais pas dans le comportement. Pas encore ? Peut-être… Mais la grande figure qui plane sur les ma­­nifestations est, paradoxe de l’histoire, celle de Philippe de Villiers, celui qui n’est pas là – mais qui était quand même présent lors de la grande mobilisation du 13 janvier 2013 –, et qui, seul de toute la classe politique, serait à même de fédérer les différentes composantes qui s’apprêtent, le 26 mai passé, à être de plus en plus rivales.
Quoi qu’ait fait ou pas fait l’un de ses enfants – et que nul ne saurait lui re­procher –, Philippe de Villiers peut encore faire son retour. Diman­che, il peut être là. Prendre la parole. Et prendre la tête d’un mouvement qui correspond précisément à tout ce qu’il a prôné durant ses trente ans de combat politique. A tout ce qu’il a es­péré… On le dit profondément meur­tri par son drame familial. Mais quand l’intérêt supérieur du pays est en jeu ? Mais quand la civilisation est en jeu ?
« Combattu souvent, battu parfois, abattu jamais. » Telle était la devise de « Monsieur de Charette », auquel Vill­iers vient de consacrer une biogra­phie et dont Napoléon disait : il « me laisse l’impression d’un grand caractère. Je lui vois faire des choses d’une énergie, d’une audace peu communes ». Philippe de Villiers s’est re­tiré en laissant inachevée son œuvre po­litique. La Manif pour tous se cher­che un sens, une direction, un chef. La jonction du destin et de l’histoire est encore possible, Monsieur de Villiers.  
Antoine Vouillazère

1. On prête au demeurant à Napoléon, las de devoir attendre Cambacérès retenu par des affaires qu’il prétendait galantes : « Quand on a rendez-vous avec l’Empereur, on dit à ces dames de prendre leurs cannes et leurs chapeaux et de foutre le camp. »

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