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Mort de Robert Boulin : Crime d’Etat accuse Jacques Chirac !

A l’issue de la projection en avant-première de Crime d’Etat, hier soir 23 janvier 2013 à Libourne, les applaudissements ont été mesurés. Non pas que le film, qui sera diffusé mardi prochain 29 janvier à 20 h 45 sur France 3, n’ait pas plu, au contraire ; c’est que l’émotion était trop forte.

Dans le public en majorité âgé, composé de gens qui, depuis trente-trois ans, depuis ce funeste 30 octobre 1979 où le corps de Robert Boulin fut retrouvé sans vie dans un étang de la forêt de Rambouillet, n’ont jamais cru au suicide de celui qui était depuis trente ans maire de la ville girondine, les yeux étaient mouillés, les gorges étaient nouées. On lisait sur les visages un mélange de reconnaissance (« Enfin la vérité ! ») et d’incrédulité (« Ça va être diffusé à la télévision, vraiment ? »). Oui, ça va l’être et cela va constituer, comme l’a écrit « Minute » dans son numéro de cette semaine et comme l’a dit Philippe Buisson, maire (PS) de la ville, « un événement politique » majeur.

Un tragique épisode de la « guerre des droites »

Crime d’Etat est certes un film de fiction. Mais les personnages sont bien réels et sont nommés : Robert Boulin le ministre, Henri Tournet l’affairiste et escroc, Charles Pasqua que l’on ne présente plus, Jacques Foccart le patron des barbouzes gaullistes du SAC ou encore Jacques Chaban-Delmas le maire de Bordeaux et ami de Robert Boulin. Un seul personnage, dont l’on devine l’identité derrière les lunettes à forte monture qu’il portait à l’époque et par le débit oral reconnaissable entre mille, ne l’est pas. Mais son ombre plane sur tout le drame, sur cette tragédie plutôt qui vit Robert Boulin mettre le doigt dans un engrenage dont Crime d’Etat montre qu’il ne pouvait trouver d’issue que dans la mort.

Il y a l’engrenage et le piège dus à la perversité du faux ami Henri Tournet. Il y aussi, et surtout, l’engrenage politique de la « guerre des droites » en une « époque très violente » qui vit de nombreuses morts mystérieuses jamais élucidées (de Broglie, Fontanet, Journiac, etc.) ainsi que Pierre Aknine, le réalisateur, l’a rappelé hier soir.

L’ombre, les ambitions, les manières exécrables, les trahisons à répétition de Jacques Chirac – « un mélange de Rantanplan et de Bonaparte » dit de lui l’épouse, admirable, de Robert Boulin – planent sur tout le film, dont l’arrière-plan, qui est en réalité le premier plan et la trame de la tragédie, est sa conquête du pouvoir par tous les moyens, avec la complicité des vieux réseaux gaullistes barbouzards alors que les vrais gaullistes, comme Robert Boulin ou comme Jacques Chaban-Delmas, s’opposent à son ascension, au scrutin truqué qui le porte à la tête de l’UDR en 1974, à ce « putsch d’arrière-cuisine » auquel Boulin ne peut pas se résoudre.

Un homme seul contre un système implacable

Pub-France-3Robert Boulin, bien que ministre de premier plan sous les présidences du général De Gaulle, de Georges Pompidou et de Valéry Giscard d’Estaing – hormis durant les deux années où Jacques Chirac est premier ministre… –, est un naïf. Cet homme seul, qui ne dispose pas du moindre réseau et ne peut compter sur personne, hormis sur l’amitié de Chaban, lequel n’a plus aucun poids politique, croit qu’il a « les moyens de les faire exploser un par un » avec les dossiers qu’il possède sur le financement du RPR, créé en 1976 pour porter Jacques Chirac à la présidence de la République ou, du moins, pour en éjecter Valéry Giscard d’Estaing.

Il croit que la menace de révéler une gigantesque arnaque à la Sécurité sociale qui n’est jamais devenue une « affaire » puisqu’elle a été étouffée – arnaque qui a servi à financer l’UDR ! – va « les » faire plier. Il croit qu’en enquêtant, seul, en complétant son dossier avec des pièces nouvelles, comme des photos attestant du financement du RPR par des valises de billets en provenance de régimes africains – la fameuse « Françafrique » dont Foccart est le maître d’œuvre –, il va pouvoir faire « exploser » Jacques Chirac et les siens, ou du moins les empêcher de commettre le pire : faire élire François Mitterrand à la présidentielle de 1981 dans le seul but de faire table rase, à droite, pour permettre à Chirac de conquérir le pouvoir.

Avant de se rendre au rendez-vous du 29 octobre 1979 dans une villa de la forêt de Rambouillet qui lui sera fatal, Robert Boulin va à l’église. Il se recueille et cherche la force de « les » affronter. La villa, dans le film, est celle de Jacques Foccart. Dans la réalité, elle était celle de René Journiac, autre « Monsieur Afrique » qui fut l’adjoint de Foccart. De cette villa, Robert Boulin sortira mort, après avoir été menotté, tabassé, lynché, porté par des hommes de main du SAC jusque dans le coffre d’une voiture, puis balancé dans l’étang où on feindra de le découvrir noyé après avoir absorbé des barbituriques…

Merci à Pierre Aknine et à François Berléand

Terrible est cette scène où Jacques Foccart téléphone en pleine nuit au procureur pour lui annoncer que Robert Boulin est mort et qui, alors que le procureur lui demande si le corps a été retrouvé, lui répond : « Pas officiellement »… Avant de lui expliquer que cette mort est un suicide, rien d’autre qu’un suicide…

On ne racontera pas tout ce que Crime d’Etat apporte à l’« affaire Boulin ». Tout ce que le film montre, dissèque, accumule en un « faisceau de présomptions » qui constituent, au final, autant de preuves accablantes de l’homicide. « On a tué un ministre de la République », dit Robert Boulin, dont la voix monte, telle l’âme qui s’attarderait au-dessus du corps sans vie de l’honnête homme qui gît dans l’Etang rompu. On a tué un ministre de la France.

Il faut voir, il faut absolument voir mardi prochain sur France 3 ce film tourné au plus près de Robert Boulin, « à portée d’haleine » comme le dit Pierre Aknine, qui a rencontré et écouté tous les témoins encore vivants, et qui a eu accès à tout le dossier. Il y aura un avant et un après Crime d’Etat. L’avant, c’était « l’affaire Boulin ». L’après, c’est la vérité, montrée au grand jour et sur le service public. Merci à Pierre Aknine et à François Berléand qui a trouvé une telle justesse de ton que son incarnation de Robert Boulin en fait son plus grand rôle.

Antoine Vouillazère

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